mardi 12 août 2014


Le Cricket Club des talibans

Timeri N. Murari

Mercure de France, 2014


Traduit de l'anglais (Inde) par Josette Chicheportiche

☀ ☀

Un roman haut en couleur, qui évoque la vie quotidienne de la population afghane sous le régime des talibans.

Voici un livre sur écran panoramique et son THX !
En dépit du sujet et du cadre pour le moins austères qu’il a choisis, Murari nous raconte une histoire que l’on prend grand plaisir à suivre du début à la fin. Sur la base d’un fait aussi réel qu’inattendu, l’auteur imagine un véritable conte de fées qui nous place dans la même position que si nous étions en train de regarder un film made in Hollywood.

L’action se situe à Kaboul, alors que les talibans ont pris le pouvoir. Comme on le sait, tout est devenu interdit : écouter de la musique, rire, danser, parler, regarder son interlocuteur dans les yeux... Les femmes sont tenues de porter la burqa et ne sont autorisées à sortir de chez elles que si elles sont accompagnées d’un membre masculin de leur famille. 
Ce que l’on sait moins, c’est que les talibans décidèrent de faire une sorte d’opération de communication, afin de montrer qu’ils étaient un peuple sportif. Ils optèrent alors pour le cricket, sport dont la tenue respectait leurs diktats. Bien entendu, seuls les hommes seraient autorisés à le pratiquer. En 2000, ils firent donc une demande officielle d’affiliation à l’International Cricket Council et organisèrent un tournoi dont les vainqueurs se rendraient au Pakistan pour être entraînés par des professionnels : pour les jeunes Afghans, une porte ouverte sur un horizon...

Si, sur ce thème, Murari imagine une histoire totalement cousue de fil blanc, on se laisse volontiers aller à le suivre, exactement comme, petits, nous écoutions nos parents nous lire un conte dont nous espérions la fin heureuse.

Mais ce qui rend le livre intéressant c’est que, derrière cette fiction légère, il nous livre une évocation précise et sans concessions de la vie quotidienne du peuple afghan : les femmes emmurées vivantes sous leur burqa (« la place des femmes est dans la maison ou dans la tombe »), avec les difficultés que cela implique en termes de déplacement et de visibilité (ainsi une femme meurt-elle renversée par une voiture qu’elle n’avait pas vu arriver) ; les hommes désoeuvrés, périssant d’ennui, et craignant les «faux-pas» des femmes de leur famille, dont ils seraient tenus pour responsables et qui encourraient alors la prison ou la mort ; la méfiance omniprésente que l’on éprouve jusque pour ses propres parents ; le droit de vie et de mort que s’octroient les talibans, l’état de délabrement dans lequel a sombré le pays, la présence de mines antipersonnel, les prisons où règne la torture et le viol est monnaie courante... tout nous est montré avec justesse, sous une forme qui nous rend supportable la lecture d’une réalité intolérable.

En cette période estivale, c’est selon moi un livre parfait à emporter sur la plage : une lecture facile et agréable, qui nous parle de l’un des aspects de notre monde contemporain. Une réussite !

4 commentaires:

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    1. Oui, vas-y ! Surtout que tu dois avoir encore un bon mois, voire deux, d'activité intense. Et ça, c'est vraiment une lecture facile !

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  2. J'ai du mal à imaginer que sur un sujet pareil, ce soit un livre de plage ! Je ne suis pas sûre que pour moi, le traitement léger de la situation ferait passer la pilule du reste ..

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    1. J'avoue que c'est très surprenant ! Mais c'est pourtant le cas. Rares sont les romans qui nous parlent de l'Afghanistan de cette époque et c'est vrai qu'on n'a pas forcément envie de regarder cette réalité en face. Murari réussit pourtant cet exercice de haute voltige et y donne ainsi accès à un large public !

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