mardi 29 avril 2025

Un avenir radieux

Pierre Lemaitre
Calmann-Lévy, 2025


On connaît l’ambitieux projet littéraire de Pierre Lemaître qui, depuis Au revoir là-haut, propose à ses lecteurs rien de moins qu’une vaste fresque historique de la France du XXe siècle. Après l’entre-deux-guerres, c’est aux Trente Glorieuses qu’il s’est attelé, et il nous aura fallu cette fois attendre deux ans avant de pouvoir découvrir le troisième volume de sa tétralogie.


Nous sommes à la fin des années 50, et on retrouve la famille Pelletier fidèle à elle-même : le personnage que l’on adore détester, Geneviève, plus odieuse que jamais ; Jean alias Bouboule qui aimerait échapper enfin à l’écrasant ascendant de son père ; mais aussi leurs enfants, Colette et Philippe, qui occupent désormais une place aussi importante que leurs oncles et tantes.


Côté politique, c’est la France de la guerre froide que nous dépeint l’auteur en imaginant une intrigue matinée d’espionnage. Il nous entraîne - ou entraîne plus exactement François Pelletier - au coeur de Prague, dans le sillage d’une délégation de chefs d’entreprises désireux de conquérir un nouveau marché, tandis qu’il s’agit pour le gouvernement tchèque de mener une grande opération de communication en faveur du régime communiste. Côté social, les velléités d’autonomie et d’émancipation de la jeune génération féminine ne masquent rien du patriarcat encore incontesté.


On prend certes plaisir à retrouver tous ces personnages et l’ambiance d’une époque que l’écrivain sait parfaitement restituer. Il ne faut cependant pas attendre beaucoup de surprises de ce troisième volet qui ronronne peut-être un peu… Cela ne m’empêchera sans doute pas de lire l’ultime opus de cette saga, mais en espérant toutefois que Lemaitre épice davantage son récit.










lundi 21 avril 2025

L’heure des prédateurs

Giuliano da Empoli
Gallimard, 2025


Giuliano da Empoli a acquis la notoriété avec la parution de son livre Le Mage du Kremlin, qui en 2022 avait fait pas mal de bruit et remporté au passage le Grand prix de l’Académie française. Il est vrai qu’il y dépeignait, sous une forme fictionnelle, rien de moins que la prise du pouvoir par Poutine et la manière dont il l’exerce.


Ancien conseiller du président du Conseil italien Matteo Renzi, da Empoli a été très impliqué dans la vie politique italienne avant de se consacrer à l’enseignement et à l’écriture. Ses livres sont le fruit d’une réflexion sur le pouvoir, évidemment nourrie par son expérience.


Dans L’heure des prédateurs, il adopte le point de vue d’un « scribe aztèque », c’est-à-dire de celui qui observe et consigne le ballet des chefs de gouvernement et de ceux qui se montrent déterminés à prendre leur place. Soit, de nos jours et dans nos démocraties occidentales, les responsables politiques et les oligarques - désormais issus de la Tech. Ainsi relate-t-il certaines des scènes auxquelles il a eu l’occasion d’assister en fréquentant les « grands » de ce monde, qu’il s’agisse d’une assemblée générale de l’ONU ou de la réception organisée par Obama un an après sa défaite aux élections américaines de 2016. L’écrivain passe d’un épisode à un autre sans souci de chronologie, allant jusqu’à remonter à la Renaissance italienne pour offrir à ce qu’il relate une mise en perspective et en cohérence.


Il ne faut donc pas s’attendre à un essai déroulant un argumentaire visant à étayer une thèse. Si la forme m’a de prime abord un peu déconcertée, elle m’a à l’arrivée pas mal convaincue. D’abord parce qu’elle rend le propos très accessible à quiconque. Ensuite parce qu’en s’appuyant sur un certain nombre d’exemples dont on a entendu parler - ou pas (je ne connaissais pas, par exemple, la politique menée par Nayib Bukele au Salvador), l’auteur, par la qualité de ses commentaires, est d’un éclairage confondant. Il nous permet ainsi de mieux comprendre ce à quoi nous sommes aujourd’hui confrontés.


A voir ce qui se passe aux Etats-Unis, où l’on assiste avec effroi à l’effondrement de ce que nous croyions être le dernier pays où la démocratie et la liberté pouvaient être mises à mal - et en tout cas pas aussi rapidement -, nous sommes en effet saisis par un état de sidération. Chacune des déclarations de Trump ou de Vance, chacun des gestes de Musk nous apparaît comme une gesticulation propre à ouvrir les yeux de ceux qui les avaient élus. Il semblait que cette succession d’horreurs et d’aberrations allaient à plus ou moins brève échéance conduire à les mettre hors jeu. Je comprends à la lecture de ce texte qu’il n’en est rien et je réalise à quel point je reste naïve. Aucune maladresse, aucune erreur dans tout cela. Ces dérapages et ces énormités sont bel et bien contrôlés et ne visent, à l’instar des tyrans qui suscitent l’assentiment de Trump, qu’à restaurer un ordre où la force et non plus l’état de droit fait loi. Ce que nous croyions bien à tort acquis est battu en brèche de toute part. 


Tout cela est évidement bien plus qu’inquiétant : redoutablement dangereux. Je ne sais trop quelle conclusion il faut en tirer, si ce n’est que le pire serait de se mettre à trembler en attendant de voir arriver le chaos. « La lutte continue » sont les derniers mots du livre. J’ai plutôt envie de dire qu’il serait temps qu’elle commence vraiment. 

vendredi 11 avril 2025

Suzanne Valadon sans concession

Flore Mongin et Coline Naujalis

Seghers, 2025



La rétrospective que consacre actuellement le centre Pompidou à Suzanne Valadon s’accompagne d’un documentaire visible sur Arte et d’une série de publications permettant de découvrir outre son oeuvre, la trajectoire de cette artiste qui a comme tant d’autres été éclipsée par ses confrères masculins. Excellente initiative, tant son itinéraire et sa personnalité méritent pourtant d’être mis en lumière.


C’est ce que s’attachent à faire Flore Mongin et Coline Naujalis sous la forme attrayante d’un roman graphique. Ou disons plutôt d’une biographie illustrée. Fille d’une blanchisseuse dont l’amant prit la tangente sitôt la grossesse déclarée, c’est peu de dire que celle qui s’appelait alors Marie-Clémentine n’était pas destinée à devenir peintre. Mais il suffisait que la fillette ait un morceau de charbon entre les doigts pour qu’elle se mette à dessiner. Et lorsqu’elle franchit un jour les portes du Louvre, c’est l’émerveillement ! Mais la toute jeune fille doit travailler. Après avoir exercé nombre de petits métiers, Maria, ainsi qu’elle se fait désormais appeler, devient modèle. Dans le Montmartre alors épicentre de la vie artistique parisienne, elle rencontre ainsi Renoir, Toulouse-Lautrec et bien d’autres personnalités du monde de l’art.


Belle, intelligente, charismatique, elle se fait vite une place au sein de cette société. Et si, entre deux séances de pose, elle continue de dessiner, c’est en toute discrétion. Puvis de Chavannes ne l’a-t-il pas vertement remise à sa place lorsqu’elle s’est risquée à le lui révéler ? Comment une femme, qui plus est autodidacte, pourrait-elle en effet prétendre au statut d’artiste ? Maria, en passe de devenir Suzanne, a bien intériorisé les limites qui lui sont assignées. Il faudra un petit coup de pouce du destin pour que Toulouse-Lautrec découvre ses talents et la pousse à présenter son travail à Degas, marquant ainsi le départ d’une carrière couronnée de succès.


Et pourtant, qui connaît aujourd’hui le nom de Valadon ? Les historiens de l’art n’ont pas voulu le retenir. Pire, c’est en tant que mère de Maurice Utrillo que s’est établie sa postérité, un peintre qui dut selon moi davantage son succès à la célébration d’un pittoresque montmartrois qu’à la puissance de ses qualités picturales… 


Flore Mongin et Coline Naujalis retracent la fascinante destinée d’une femme pour laquelle elles éprouvent de toute évidence attachement et admiration. Peut-être, pour dépeindre une telle personnalité, aurait-on pu attendre un texte un peu moins sage, un peu plus piquant. Mais l’essentiel est là, et l’on prend plaisir à s’arrêter sur les illustrations pour découvrir toutes les facettes d’une femme libre et déterminée. 


Quant à l’hommage que lui rend le centre Pompidou, l’affluence qu’il suscite témoigne du regain d’intérêt du public à son égard. Ma réservation est prise, mais il va me falloir patienter encore quelques jours avant de pouvoir enfin admirer ses oeuvres. L’éblouissement sera-t-il au rendez-vous…? Je l’espère !


lundi 7 avril 2025

Légitime démence

Laurent Philipparie
Actes Sud, 2025



Entre la commandante Catherine Novac et le capitaine Thierry Bar, on ne peut pas dire que ce soit le grand amour. A la veille de son départ en retraite, celui que Novac considère comme « le roi des emmerdeurs » lui donne encore du fil à retordre : en dépit des ordres qu’elle a formulés, Bar a entraîné ses hommes sur le théâtre de l’opération commando que s’apprêtent à mener les Servants de Gaïa, un groupe écoterroriste extrêmement actif. Furieuse, elle se rend à son tour sur place pour tenter de les intercepter avant que n’arrive un incident, voire une bavure. En vain. Le chef du mouvement périra dissous dans une cuve de soude de l’usine de savonnerie qu’il entendait saboter. Et lorsque Novac tente de mettre son subalterne devant ses responsabilités, celui-ci ne trouve rien d’autre à faire que de la décapiter avant de prendre la fuite…


Comme vous le voyez, ce polar démarre sur les chapeaux de roue et, jusqu’à la dernière ligne, ne se départit pas de ce rythme nerveux ménageant au passage de nombreux coups de théâtre. C’est dans un univers assez méconnu (me semble-t-il) qu’il nous plonge, celui de groupes de défense de l’environnement dans ses composantes les plus radicales et les plus violentes. Ceux pour lesquels la protection de l’espèce animale ou la préservation des ressources naturelles justifient une action ultraviolente pouvant aller jusqu’à l’atteinte à la vie humaine.


On est loin ici des actions de désobéissance civile ou d’occupation de sites tels que le chantier de Sainte-Soline. On a affaire dans ce roman à des fanatiques clairement présentés comme tels, des membres de groupuscules s’apparentant davantage à des sectes qu’à des mouvements ayant un fondement politique. Ceux-ci existent-il réellement ? C’est bien possible, quoique je n’en aie pas moi-même connaissance, ne m’étant pas particulièrement intéressée à la question. Le fait que l’auteur, Laurent Philipparie, soit lui-même criminologue et commandant de police, peut néanmoins inviter le croire. S’est-il en effet appuyé sur son expérience professionnelle, rappelée en quatrième de couverture, pour construire son roman ? On ne peut s’empêcher de se poser la question. 


Quoi qu’il en soit, l’auteur fait assaut de rebondissements tellement effarants, avec une multiplicité de personnages à l’identité si trouble, qu’il ne me semble pas ouvrir la porte à un amalgame entre les mouvements qu’il met en scène et ceux d’une autre nature qui font parfois la une des médias et que d’aucuns s’empressent pourtant de qualifier d’écoterroristes. Il invite en revanche à s’intéresser de plus près aux diverses formes que peut revêtir ce type d’activisme. D’un point de vue plus formel, l’auteur fait place à un remarquable sens du suspens et sait parfaitement créer la surprise. Des qualités particulièrement appréciables lorsqu’il s’agit de polar !


mardi 1 avril 2025

Toutes les vies de Théo

Nathalie Azoulai
POL, 2025


J’entretiens un rapport assez ambivalent avec les romans de Nathalie Azoulai : je trouve certains d’entre eux absolument brillants et formidables, fins, nuancés, quand d’autres me paraissent lourds d’une vision manichéenne. Aussi ai-je d’autant plus hésité à entreprendre la lecture de son dernier opus qu’il s’ancrait dans une actualité particulièrement sensible et clivante.


L’auteure relate en effet l’histoire d’un couple composé d’une femme juive, Léa, et d’un homme qui ne l’est pas, Théo, que les attaques du 7 Octobre vont faire voler en éclats. La question de l’identité juive prend alors une place centrale : si la mémoire de la Shoah pouvait jusqu’alors être perçue comme un rempart inaliénable à la résurgence massive de l’antisémitisme, et la question de l’identité juive être reléguée en arrière-fond d’une existence qui ne se fondait pas sur la primauté d’une appartenance religieuse, ces attentats rebattent les cartes. Désormais, cette question occupe tous les esprits, devient un marqueur autour duquel se polarisent les discours politiques en même temps que se multiplient les agressions antisémites. Léa, légitimement inquiète par cette évolution, met à présent la défense de cette identité au coeur de ses préoccupations. Pour Théo, cette prééminence n’est pas compréhensible : après tout, ce qui se passe en Israël et à Gaza est lointain, et il ne faudrait pas surestimer les conséquences que cela peut avoir sur eux…


On peut mettre au crédit de Nathalie Azoulai de porter notre attention sur ce qui se joue actuellement et, par le biais de la fiction, observer la manière dont les événements viennent perturber les parcours individuels. Toutefois, elle n’échappe pas selon moi au travers qui la guettait. Entre le personnage de Théo, fils d’une Allemande en proie au sentiment de culpabilité, celui de Noémie - la fille qu’il a eue avec Léa qui choisit de se faire baptiser et de suraffirmer sa foi, et l’irruption d’une belle jeune femme d’origine libanaise, les fils de son récit m’ont semblé manquer de subtilité. C’est tout à fait dommage car la première partie du roman posait parfaitement la situation. Mais les personnages s’enferrent dans des positions à mes yeux trop grossières qui finissent par priver le roman du caractère affûté qu’il aurait pu avoir.  


Reconnaissons toutefois à Nathalie Azoulai l’audace de s’être confrontée à un sujet particulièrement difficile et qui s'impose aujourd'hui à nous tous.


  

 


mardi 25 mars 2025

Tiré de faits irréels

Tonino Benacquista
Gallimard, 2025


Je me fais toujours une fête de lire un nouveau livre de Tonino Benacquista, même si depuis quelque temps les réactions qu’il suscite en moi fluctuent entre exaltation et désappointement. Après une remarquable incursion dans le récit autobiographique, l’écrivain clame son retour à la fiction avec un titre sans équivoque : Tiré de faits irréels.


Il nous plonge même au coeur de la fabrique fictionnelle en relatant le parcours d’un éditeur de littérature désormais à la veille d’entrer en liquidation judiciaire. Bertrand Dumas évoque ses différents auteurs, se remémore certains épisodes de sa carrière, quelques-unes de ses expériences parmi les plus cuisantes ou les plus éclatantes et fait le constat d’un glissement de la profession vers une financiarisation qui lui est préjudiciable - ce qui, évidemment, n’a pas manqué de m’interpeller : les pages que Benacquista consacre au portrait d’un milliardaire en quête d’une maison d’édition à acquérir sont de loin celles que j’ai préférées ! (Toute ressemblance avec des personnages ou des faits réels ou ayant existé, etc.) 


Elles n’auront pourtant pas suffi à emporter mon enthousiasme. D’abord parce qu’au-delà de la succession de saynètes - certes plaisantes - dont on ne perçoit pas toujours la cohérence de l’enchaînement, le récit peine selon moi à trouver une réelle assise. Ensuite parce que Benacquista s’amuse beaucoup à brouiller les lignes entre les souvenirs « réels » de son héros et le récit que celui-ci en restitue, si bien que l’on finit par être un peu perdu. Certes l’auteur est d’une grande habileté puisque c’est là le but recherché. Son héros se laisse insensiblement entraîner dans un espace narratif aux contours de plus en plus flous, et l’on finit par se demander si l’on n’est pas entré dans une fiction secondaire, sans vraiment pouvoir identifier le moment où les choses ont basculé. C’est amusant et même assez bluffant, mais comme il arrive parfois lorsqu’un artiste fait preuve de virtuosité, on est plus admiratif de sa technicité que touché par la puissance de son oeuvre. 


Il en a maintes fois fait la démonstration, Benacquista possède un imaginaire d’une richesse infinie et maîtrise comme personne l’art de raconter les histoires. Mais à l’instar des prestidigitateurs qui nous éblouissent par la qualité de leurs tours, il ne doivent rien laisser entrevoir de leurs secrets de fabrication, sous peine d’abolir l’émerveillement…



mardi 18 mars 2025

Après Dieu

Richard Malka
Stock/Ma nuit au musée, 2025


Disons-le d’emblée, j’éprouve une profonde admiration pour Richard Malka. Pour son courage et sa détermination sans faille à défendre la liberté d’expression et la laïcité, qui sont pour moi des valeurs fondamentales non négociables. Encore cela est-il facile à affirmer lorsqu’on s’en tient à des échanges entre amis ou entre collègues. Lui, il porte haut et fort sa parole, publiquement, il en a fait le combat d’une vie. Ce qu’il paye de sa liberté de mouvement, désormais assujétie à la présence permanente de gardes du corps chargés de le protéger des lourdes menaces pesant sur lui. Et, bien sûr, on le sait, c’est de leur vie que ses amis de Charlie Hebdo ont payé l’exercice d'une parole libre.


Lorsque les Editions Stock lui ont proposé d’écrire un texte pour leur iconique collection Ma nuit au musée, c’est un monument national qu’il a choisi, l’un des hauts lieux de notre République : le Panthéon, où reposent les plus grandes figures de notre histoire. Son idée était de pouvoir dialoguer avec celui qui fut peut-être le premier et de manière certaine le plus acharné des pourfendeurs du fanatisme religieux et le plus ardent défenseur de la libre pensée. C’est en effet vers Voltaire qu’il a voulu se tourner pour tenter de trouver une réponse à la question qui le taraude : une fois que l’on a renversé la religiosité, une fois que l’on a proscrit le sacré, quelle transcendance proposer aux hommes et aux femmes pour leur permettre de s’élever, d’espérer, et empêcher ces fléaux de revenir en force ? Au vu de l’avancée inouïe de l’obscurantisme à laquelle nous assistons aujourd’hui, il est devenu plus qu’urgent d’agir.


Pendant quelques heures, Malka s’adresse donc à Voltaire, évoquant le parcours du philosophe et son histoire personnelle, mettant en miroir le contexte socio-historique des Lumières et le nôtre. Il observe les analogies et mesure surtout les écarts qu’ont produits plus de deux siècles d’Histoire. Aujourd’hui comme hier, il s’agit toutefois de combattre toutes les formes de fanatisme et d’emprise religieuse. Malka pourfend tous les communautarismes, qui réduisent les individus à une seule des diverses composantes de leur identité et conduisent inévitablement à l’intolérance, avec toutes les implications que l’on connaît. C’est pourquoi le religieux doit rester circonscrit à la sphère privée afin de l’empêcher d’investir l’espace public, politique, où il finit toujours par devenir hors de contrôle. Et surtout, il ne faut en aucun cas justifier les diktats religieux sous couvert d’un pseudo respect de l’altérité et de la défense des opprimés. Malka met précisément le doigt sur ce la nature du sophisme qui fausse aujourd'hui le débat : « Comme le christianisme d’hier, l’islam d’aujourd’hui est une religion d’oppression. Le problème, c’est que c’est également la religion des oppressés. » Au nom de la défense des opprimés, il est plus que dangereux de défendre ceux qui entendent imposer leurs règles et justifier ainsi l’injustifiable. Dénoncer un islam qui opprime ne revient aucunement à être islamophobe, comme on voudrait nous le faire croire. C’est pourquoi la défense de la laïcité est cruciale, de même que l’enseignement de la distance critique. Cela seul pourra permettre à chacun de pratiquer le culte de son choix dans le respect de toutes les religions et de toutes les opinions. « La tolérance à l’égard de l’intolérance est une décadence », nous alerte-t-il avec raison.  


La pensée de Richard Malka est d’une fluidité impressionnante, ses mots sont simples, habités par un humanisme qui se traduisent jusque dans le ton de sa voix et le sourire qui illumine son visage lorsqu’il s’exprime. C’est ce qui donne toute sa force à son propos. Avec lui, cherchons à « renouer avec une ambition pour l’humanité, une dialectique offensive de la liberté, une rage de convaincre le monde de la justesse de l’idée laïque ». Telle est la transcendance, héritage des Lumières, qui doit nous guider.