lundi 26 septembre 2022

Chien 51

Laurent Gaudé
Actes Sud, 2022

 


On se souvient tous de la crise financière qui avait secoué la Grèce en 2008, du plan d’austérité qui lui avait été imposé par l’Europe et des conséquences qui s’ensuivirent. La Chine s’était mise à investir massivement dans le pays, allant jusqu’à racheter le port du Pirée. A partir de cette situation, Laurent Gaudé imagine un scénario radical dans lequel une puissante multinationale s’approprie l’intégralité de l’Etat et de sa population, qui devient ainsi de fait salariée - ou plutôt cilariée, contraction de « citoyen » et de « salarié » -, de Gold-Tex. 


Zem Sparak, comme tous ses compatriotes, vit désormais sur un territoire divisé en trois zones : La zone 1, celle de l’élite, où règnent quiétude et opulence ; la zone 2, celle des classes que l’on pourrait qualifier de moyennes ; et la zone 3 où se retrouvent les exclus de toute nature. On ne circule pas librement de l’une à l’autre, et si la première bénéficie de systèmes de protection efficaces contre les catastrophes climatiques, les autres se prennent les orages de grêle et autres pluies acides de plein fouet. 


Sparak vit dans la zone 3 mais accède néanmoins à la zone 2 où il exerce ses fonctions de policier. Lorsque le corps d’un homme est retrouvé éventré, organes internes arrachés, c’est lui qui est désigné pour mener l’enquête, chapeauté par une femme déterminée. S’agirait-il d’un trafic de greffe ? Dans la zone 1, il n’est pas rare en effet de se faire poser des organes synthétiques permettant de prolonger significativement sa durée de vie, suscitant ainsi les convoitises. Mais l’individu qui a été victime de cette sauvage mutilation n’appartient pourtant pas à cette caste. L’enquête promet d’être épineuse. D’autant qu’elle va toucher des personnalités exerçant des responsabilités politiques… 


Peu familière des romans d’anticipation, il m’a fallu un peu de temps pour m’acclimater à ce récit… qui s’apparente pourtant très vite à un roman policier. Ou disons qu’il mixe les deux genres en en conjuguant les codes avec habileté. En distordant des situations que nous connaissons aujourd’hui - crise financière et crise climatique - Laurent Gaudé

imagine sans doute moins le monde de demain qu’il ne met en garde contre les conséquences que pourrait avoir tout ce que nous mettons en place (ou manquons de mettre en place dans le cas du réchauffement climatique) aujourd’hui. Quant à tout ce qu’il envisage en termes de développements du transhumanisme et de la réalité virtuelle ou augmentée, cela fait tout simplement froid dans le dos ! 


Tel est le pouvoir de la littérature que d’aider à déplacer le regard que l’on porte sur le monde pour aider à mieux en saisir les enjeux et à mieux se projeter. A cet égard, ce roman de Laurent Gaudé me semble tout à fait intéressant. 



 


10 commentaires:

  1. Jusqu'ici je n'ai pas été tentée par les romans de Laurent Gaudé. Par contre celui-ci m'intéresse, je le prendrai dès qu'il sera disponible à la bibliothèque.

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    1. C'est un écrivain qui écrit des textes assez variés, me semble-t-il. Certains me tentent plus que d'autres, mais c'est un auteur tout à fait intéressant.

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  2. Aie, je pourrais recopier le commentaire d'Aifelle! Je crains un peu le côté lyrique de l'écriture?

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  3. ça ne semble pas des plus réjouissants, mais je compte bien le lire tout de même... Contrairement aux "copinautes", j'ai lu plusieurs romans de Laurent Gaudé et aimé son écriture. ;-)

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    1. Je l'apprécie également. Et puis les trois textes que j'ai lus de lui sont très différents les uns des autres, et je trouve vraiment intéressant qu'un auteur cherche ainsi à explorer diverses voies.

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  4. Suis pas fan de Gaudé mais le thème m'intéresse. Néanmoins, dans ce que tu en dis je retrouve pas mal d'éléments qui me font penser à Globalia de Jean-Christophe Rufin (on est visiblement dans la même veine et avec la même mécanique, je veux bien croire que l'écriture diffère par contre).

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    1. Comme je n'avais pas lu ce texte de Ruffin, je peux difficilement répondre à ton commentaire. Mais, en effet, si je m'en réfère aux livres que j'ai lus de ces deux auteurs, ils ont un style différent.

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  5. Il m'attend dans ma liseuse, j'ai hâte.

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  6. J'aime tellement Gaudé que je pourrais même lire un roman d'anticipation. Je fais une overdose! Je suis allée en Grèce dans le bout de cette crise, du moins peu après. C'était terrible.

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