lundi 13 juillet 2020

Un loup quelque part

Amélie Cordonnier

Flammarion, 2020



Pour son premier roman, Amélie Cordonnier s'était intéressée à un couple. Mais pas de guimauve, avec elle ! On entrait dans l'intimité d'une femme sur laquelle le mari prenait peu à peu l'ascendant pour la dominer et la malmener, sinon physiquement du moins psychologiquement.

L'auteure semble avoir un attrait particulier pour les sujets qui dérangent. Et si elle explore à nouveau la cellule familiale, c'est cette fois pour interroger le lien mère-enfant et la notion d'instinct maternel. L'arrivée d'un bébé au sein d'un foyer, c'est souvent l'occasion de remises en question. Au moment de devenir mère - et père aussi sans doute -, on se retourne sur sa propre histoire, sur la relation que l'on entretient soi-même avec ses parents, voire sur sa capacité à aimer son enfant.

Ici, la narratrice a déjà une fille de huit ans qu'elle chérit de tout son être. A-t-on autant d'amour à donner à un deuxième ? Pas si évident. Surtout lorsque le deuxième en question, le petit Alban, développe de drôles de signes : alors qu'il est âgé de cinq mois, des taches sombres apparaissent sur sa peau. Il n'est pourtant pas malade. Y aurait-il dans la famille une ascendance noire qui expliquerait le phénomène ? Incompréhension. Effroi. Les parents sont interrogés. Et voilà que cette naissance bouscule toutes les certitudes et toutes les fondations sur lesquelles on s'était construit...

C'est peu de dire que ce roman met mal à l'aise. L'acharnement avec lequel la mère cherche à déterminer la couleur de son enfant, l'inquiétude et le trouble croissants à mesure que la peau de celui-ci fonce provoque des hauts-le-coeur. Pourquoi cette obsession ? Pourquoi ce rejet ? S'agit-il d'une peur que cet enfant ne soit pas reconnu comme le sien ? Ou bien est-ce sa propre filiation qui pose problème ? Je n'en dirai pas plus afin de ne pas vous en dire trop. Mais n'a-t-on pas tendance à chercher chez ses enfants un reflet de soi-même ? N'attend-on pas d'eux - à tort ou à raison - qu'ils s'approprient nos valeurs ? Ne les brandit-on pas comme de narcissiques étendards de nos propres existences ? La désillusion est-elle si cruelle de voir son enfant suivre sa propre voie, bien différente de celle qu'on avait imaginée pour lui ?

Avec ses chapitres courts, Amélie Cordonnier imprime à son récit un rythme vif  qui entraîne presque malgré lui le lecteur dans l'abîme où se précipite cette mère. La tension monte inexorablement. C'est vertigineux. C'est inquiétant. C'est rudement bien mené.    





6 commentaires:

  1. A priori, ça ne m'attire pas, mais tu m'intrigues avec cette obsession sur la couleur de l'enfant. Je vais voir s'il est à la bibli.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. La façon dont elle le traite est très surprenante, et très dérangeante. (C'est ce qui s'appelle en remettre une couche !)

      Supprimer
  2. Oui on passe aussi par toute une gamme de couleurs, côté sentiments... Très beaux passages sur la relation père-fille qui redonne de la douceur après la tension vertigineuse.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, c'est vrai que le père agit comme un baume, et on en a besoin ! Mais il est vraiment à l'arrière-plan...

      Supprimer