jeudi 2 mai 2019

Le Mangeur de livres


Stéphane Malandrin

Le Seuil, 2019




Quel titre ! Comment passer à côté quand on est une véritable boulimique de lecture et que l’on n’aime rien tant que dévorer un bon livre ? Mais, vous vous en doutez, c’est ici au sens propre que le héros de Stéphane Malandrin avale les pages... 

Nous sommes à la fin du XVe siècle, Gutenberg vient d’imprimer ses premières bibles, et le savoir est sur le point de se diffuser largement. Adar vit à Lisbonne. C’est un jeune orphelin de naissance, recueilli par une amie de sa mère qui accoucha le même jour qu’elle de son neuvième enfant, Fausto. Ces frères de lait ne savent évidemment pas lire et vivent dans un extrême dénuement. Les deux garçons se mettent vite à imaginer toutes sortes de ruses pour se remplir le ventre, se faufilant notamment chez les notables pour ramasser quelques miettes de leurs banquets... Jusqu’au jour où ils sont enlevés par un prélat qui les enferme dans le soupirail de son église, prétendant les convier au meilleur banquet qui soit... celui de la lecture, qu’il veut leur enseigner. 
Mais les garçons se rebiffent, et tuent leur geôlier, se privant ainsi de toute possibilité de recouvrer la liberté. Et c’est ainsi, pour ne pas mourir de faim, qu’Adar finit par manger le livre que le curé leur destinait. Contre toute attente, il se délecte de ce mets, et n’a plus d’autre idée que celle de continuer à s’en nourrir. Sous le joug de son appétit impérieux, son corps prend rapidement des proportions gargantuesques qui le rendent terrifiant aux yeux de ses contemporains...

Ce texte, qui se place résolument sous la figure tutélaire de Rabelais, est évidemment une fable, et il faut donc d’emblée accepter toutes les règles du genre. Après quoi l’on peut goûter la prose inventive et le vocabulaire baroque de l’auteur. Bien sûr, la notion de nourriture spirituelle n’est pas neuve, et l’analogie qui est faite entre le processus d’assimilation intellectuelle et celui de la digestion ne surprend guère. Mais en choisissant de placer son intrigue à l’époque de la naissance des livres imprimés, l’auteur en souligne le pouvoir et surtout la manière dont les autorités de l’époque, autorités religieuses en particulier, pouvaient redouter d’être alors remises en question. 

Rien de très nouveau, certes, mais une forme plaisante, un court récit qui se déguste sans faim et avec gourmandise. 


9 commentaires:

  1. Pourquoi pas ? Le propos n'est pas nouveau, mais ce que tu dis de la prose de l'auteur me tente assez.

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    1. Voilà. Pas révolutionnaire, mais bien ficelé et une narration... savoureuse ;-)

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  2. Pour ma part, attirée bien sûr par le titre, je suis partie avec appétit et j'ai terminé avec une grosse indigestion. Pour moi, l'exercice de style est bien trop appuyé...

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    1. Pour moi, il était suffisamment bref pour que ma gourmandise ne finisse pas par une indigestion ;-) Et puis j'ai bien aimé ce vocabulaire et ce voyage dans le temps... Bref, plus jong il m'aurait sans doute lassée, mais là j'ai passé un agréable moment.

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  3. Manger un livre au sens propre ? Heu .. je passe. (Aifelle)

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    1. C'était à l'époque où les livres étaient 100 % bio :-D

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  4. Je me dis que ça pourrait être frais et divertissant à l'occasion. Et puis, comme tu dis, quel titre ! Pour nous, c'est tout de même très alléchant, forcément ;)

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