mercredi 8 novembre 2017

Le musée des rêves

Miguel A. Seman

La Dernière Goutte, 2017


Traduit de l’espagnol (Argentine) par Nelly Guicherd


Vous n’aviez jamais entendu parler de ce roman ? Moi non plus !
Auteur inconnu et petite maison d’édition, la combinaison imparable pour qu’un livre tout juste né sombre aussitôt dans les méandres de l’oubli... Mais mon libraire a l’excellente habitude de glisser parmi les nouveautés en vue des publications nettement plus confidentielles...
C’est ainsi qu’entre les multiples tentations qui me mettent constamment à l’épreuve, j’ai repéré ce roman dont la couverture m’a immédiatement tapé dans l’œil. Un titre poétique, une typo ayant du caractère, une illustration sobre et évocatrice, le tout ponctué d’un séduisant logo, elle avait tout pour m’attirer dans ses filets... Et il aura suffi, sur la quatrième, de l’une de ces formules définitives dont les éditeurs ont le secret pour me porter l’estocade finale. Tourneriez-vous le dos, vous, à un «roman magistral sur la mémoire, l’imagination et le pouvoir des livres» ?

Une chose est sûre, c’est que l’illustration de couverture reflète parfaitement l’atmosphère étrange et inquiétante qui règne dans ce roman. Quelque chose d’absurde et d’impalpable, d’écrasant et d’insaisissable. 
Même si cela n’est pas dit d’emblée de manière explicite, on est dans l’Argentine des années 70 et 80, celle de la dictature. Rodolfo, le héros et narrateur du livre, semble très isolé et vit dans des conditions précaires. Lorsqu’on lui propose de vendre ses rêves à un homme prétendant en avoir besoin pour fournir de la matière à son psychanalyste, il y voit une manière - certes déconcertante - de gagner un peu d’argent. 
Mais l’arbitraire et l’irrationnel régnant en maîtres, les frontières entre le rêve et le réel ont  une fâcheuse tendance à se brouiller. Les rêves, où les pensées les plus libres retrouvent droit de cité, deviennent alors une arme potentielle, étant le seul lieu où la tyrannie ne peut s’exercer. Une organisation secrète se charge donc de les collecter et de les faire circuler, notamment en les inscrivant en marge des pages des livres. Les lecteurs deviennent ainsi partie prenante des textes qu’ils tiennent entre leurs mains. Rêves et livres - ces deux espaces de résistance - sont alors les instruments de la chute des oppresseurs. 

Dire que j’ai été complètement conquise par cette fable serait sans doute excessif, car j’avoue m’être sentie parfois un peu décontenancée. Mais on peut penser que telle était l’ambition de l’auteur, chercher à plonger son lecteur dans ce climat de désarroi, de perplexité et d’angoisse dans lequel une dictature installe un peuple. 
Dans ce cas, pari réussi !


A la demande générale, je dévoile donc le nom de ma librairie préférée (j'ai l'impression d'en parler tout le temps, mais peut-être plus souvent sur Instagram, en fait). Il s'agit de l'Arbre à lettres Bastille. Je ne saurais trop vous recommander d'y faire un tour :-)


21 commentaires:

  1. "Auteur inconnu et petite maison d’édition", je connais !!!
    Félicitations à votre libraire (que j'aimerais connaître) : une espèce en voie d'extinction...
    Jean-François Mézil

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    1. J'adore mon libraire ! C'est l'équipe de l'Arbre à lettres Bastille ! Avec, évidemment, une mention particulière à Marie-Claire et Michel :-)

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    2. Merci, c'est noté.
      Je les contacterai lors d'un prochain passage à Paris (ou demanderai à mon éditrice qui, elle, est parisienne, de le faire).
      Jean-François Mézil
      PS. Si vous êtes curieuse de me lire (et me donnez une adresse postale sur ma messagerie : jean-francois.mezil [at] laposte.net) je vous ferai envoyer un SP de mon dernier roman.

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    3. Merci, Jean-François, pour votre message et votre proposition. Je vous réponds par mail.

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  2. Je ne sais pas si c'est un genre que j'aimerais. Faut voir ... (tu as de la chance d'avoir ton libraire)

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    1. C'est une lecture particulière... Je ne dirais pas que je l'ai totalement adorée, mais elle m'a beaucoup intéressée, un peu déconcertée, pas mal questionnée, toutes choses qui constituent pour moi l'attrait et la force de la littérature.
      Quant à ma librairie, j'y suis naturellement très attachée. Je la fréquente depuis son ouverture, j'étais alors étudiante. A l'époque, dans ce quartier de l'est parisien, il n'y avait guère que le rayon livres du Printemps Nation quand on voulait avoir un peu de choix... Inutile de préciser que du jour au lendemain, ce magasin ne m'a plus jamais revue... ou presque :-)

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  3. Merci pour cette lecture et pour votre curiosité! (Et merci à votre (excellent) libraire, je serais curieux de savoir de qui il s'agit.)

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    1. Comme indiquée ci-dessus, il s'agit de l'excellent Arbre à lettres Bastille.
      Merci à vous pour votre message :-)

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  4. Plutôt tentant, je le note pour au moins un emprunt ou un feuilletage en librairie ! ;-)

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  5. Inutile de te dire que je suis très, très tentée. Espérons qu'il n'est pas trop difficile à trouver !

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    1. Ah, ça ! Je ne peux pas te garantir que tu vas le trouver au coin de ta rue... Sinon, ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vues... te prêter mon exemplaire serait une excellente occasion de boire un verre ensemble ;-)

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    2. Mais oui, excellente idée ! Envoie-moi un sms et on se trouve un créneau :-)

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  6. Comme tu as raison de mettre en lumière le travail des libraires !
    Les miens aussi sont géniaux et moi aussi, j'en parle tout le temps !
    Bon, je passe mon tour avec ce livre, ma PAL déborde entre le Dreyfus, un ancien Modiano que je veux lire pour comprendre le nouveau et puis le Goncourt que je veux absolument lire !
    Mais j'ai repris le travail et je croule sous les copies...

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    1. Oui, comme toi, je suis supermilitante pour nos libraires, qui sont souvent formidables. Conseils, rencontres avec des auteurs, bavardages littéraires, ils nous offrent tout ce que le grand méchant A ne sera jamais capable de nous apporter.
      Bon courage pour tes copies... Essaie de garder un peu e temps pour les livres, notamment pour le Goncourt qui, cette année, est formidable :-)

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  7. J'ai lu Les Enfants disparaissent édité dans cette maison d'édition et j'avais beaucoup aimé, il y avait aussi une atmosphère assez étrange.
    Après je ne suis pas sûre d'être totalement séduite par le résumé que tu fais de ce bouquin... à voir!

    Et oui, remercions nos "petites" librairies :-)

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    1. C'est la première fois que je lisais un bouquin de cette maison d'édition. Du coup, je ne sais pas quelle est leur ligne éditoriale... Peut-être cette étrangeté ? ;-)
      Je plaisante ! Mais je vais essayer de suivre un peu ce qu'ils font...

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  8. Un excellent éditeur (dont j'adore le nom !) qui cache en son sein des des auteurs sud américains valant vraiment le coup d’œil.

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    1. Tu le connaissais donc ! Mais ça ne m'étonne pas, compte tenu de ta légendaire curiosité littéraire.
      Comme toi, j'aime la littérature sud-américaine. Je vais donc désormais suivre, comme je le disais plus haut, leurs publications. (Et puis j'adore leurs couv !)

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  9. Ah les libraires ont souvent le nez fin ! Même si l'ambiance a l'air très particulière et que clairement je ne suis pas certaine que ce soit ma "came", ma curiosité est malgré tout piquée. Argentine, dictature ... Je me dis pourquoi pas.

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