mercredi 23 août 2017

Perdre la tête

Bertrand Leclair

Mercure de France, 2017



Il est extrêmement rare que j’accepte l’envoi d’un livre de la part d’un écrivain : si la rencontre ne s’opère pas, il est bien trop délicat d’exprimer une déception sans blesser l’auteur, même en y mettant toutes les précautions... Pourtant, lorsque Bertrand Leclair m’a aimablement proposé de m’envoyer son dernier roman, je n’ai pas su résister ! Mais il faut dire que chacun des deux titres que j’avais précédemment lus de lui avaient fini dans ma sélection des meilleurs livres de la saison... Et puis, Perdre la tête, cela avait tout d’une délicieuse promesse...

J’ignorais parfaitement à quoi m’attendre, et je n’ai pas voulu savoir quel en était le sujet avant d’entrer dans le texte. J’avais envie de me laisser surprendre, et je crois que j’ai bien fait, tant il paraît difficile de résumer ce livre, ou d’en dévoiler la trame, sans passer à côté de ce qui en fait le sel. Mais si je devais toutefois le faire en deux mots, je dirais qu’il s’agit d’un écrivain qui se réveille dans une chambre d’hôpital, en Italie, suite à une rocambolesque escapade amoureuse avec la femme d’un riche marchand d’art, qui pourrait bien être lié à la mafia.
Présenté ainsi, cela peut sembler un brin déconcertant. Mais Bertrand Leclair nous invite d’emblée à suivre son personnage dans les méandres - fort sinueux - de son esprit pour nous offrir une étourdissante histoire, dans laquelle ce qui se joue relève tout à la fois de la fiction la plus échevelée et des questionnements sur l’écriture.
Lorsque Wallace se repasse le film des surprenants événements qui viennent de lui arriver, alors qu’il est cloué sur un lit médicalisé, c’est autant pour essayer de les comprendre que pour tenter d’en écrire le roman. Mais sans doute serait-il plus juste de dire qu’il tente de les écrire pour s’efforcer de les comprendre...

Car, ce qui fait la particularité de Wallace, c’est qu’il est à la fois personnage, auteur et narrateur. L’auteur du roman que nous avons nous-mêmes entre les mains l’interpelle sans cesse, alternant la deuxième et la troisième personne, parfois même la première, comme il observerait un cobaye pour mieux approcher ce qu’il est lui-même en train d’accomplir en tant que romancier : comment naît le geste d’écriture, qu’est-ce qui préside à la création d’un livre, comment s’y mêlent l’imagination et l’expérience vécue de celui qui écrit... produisant ainsi un subtil effet de mise en abîme.

Il faut accepter de se laisser prendre par ce texte sans opposer de résistance, accepter d’être parfois un peu décontenancé. Mais sachez que cela se fait aisément grâce à la très belle écriture que Bertrand Leclair cisèle tel un orfèvre.
Et comme on est du côté du jeu et non d’une ennuyeuse et prétentieuse entreprise littéraire, on rit aussi beaucoup. Ce qui n’est pas la moindre des qualités de ce roman !









6 commentaires:

  1. Je n'ai rien lu de l'auteur. Je ne suis a priori pas très attirée par le thème, mais je vais te faire confiance et n'hésiterai pas s'il croise ma route.

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    1. Le thème peut apparaître surprenant, mais c'est vraiment le traitement qui est intéressant. Il faut se laisser prendre par le texte, et par le style.

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  2. Je ne connais pas non plus mais tu titilles mon intérêt (et vu les très bonnes surprises de Mercure de France ces derniers temps, ça renforce l'envie). Je le note pour... après la sélection des premiers :-)

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    1. Oui, un très bon éditeur qui publie de très bons textes, je suis d'accord !
      Bon, il ne reste qu'à espérer que la sélection des premiers ne s'allonge pas démesurément... ;-)

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