Marius Degardin
Editions du Panseur, 2025
Pas facile de se faire une place quand on s’appelle Benito. Encore moins quand on a été abandonné par ses parents. Heureusement - ou pas - il n’est pas seul dans cette galère : son grand frère Piero, aveugle depuis l’âge de 10 ans, et sa soeur Chiara demeurent à ses côtés. Quant à leur aîné Primo, c’est de loin qu’il veille sur eux, malgré la rage qui le consume.
Nous sommes dans les années 80, et ce jeune homme tout juste majeur est le fruit d’une histoire faite de silences, de blessures et de violences. Pour apprivoiser sa douleur et sa révolte, Benito prend le large et s’offre une forme d’errance, qui le conduira des rues de Paris aux plages normandes, et des lieux interlopes de la capitale aux murs gris et froids de l’hôpital Sainte-Anne.
Ainsi présenté, ce roman pourrait donner envie de passer son chemin. N’en faites rien ! Les mots de Marius Degardin ne relatent pas la violence de ce que vivent et ressentent les personnages, ils en sont l’expression brute. Ils n’empruntent aucun détour, ils se percutent, et les plus sages n’ont pas peur de se mêler aux plus féroces pour former des images heurtant de plein fouet le coeur du lecteur. Chez Degardin, les nuits sont « blanches d’idées noires », les sentiments sont « frustrés pour l’éternité, mort-nés avant d’être écoutés », et l’on ne parvient guère « à faire sauter les verrous de la pudeur, cette banque ou cette prison - on n’a jamais su ». Benito a pourtant « au fond du bide un appétit de vivre insatiable » et il suffit que les bras d’une soeur aimée s’enroulent autour de lui « comme les grosses vagues de l’océan » pour que « (s)on coeur, bouée sous la houle, se soulève bien haut dans l’écume du bonheur ».
Comme ceux d’Ajar/Gary avant lui, ou de Céline, qui sont des références évidentes de ce tout jeune auteur de 22 ans, ce texte possède une charge explosive qui ne peut laisser indifférent. Pour ma part - chacun ses références et celle-ci est pour moi la plus précieuse entre toutes - c’est à Vallès que j’ai songé tout au long de ma lecture, avec ces images fulgurantes, ce côtoiement de la noirceur et de la lumière, cette représentation de la famille, les humiliations qu’elle fait parfois naître et qui se perpétuent au sein de la société. Mais Marius Degardin, qui a beaucoup lu avant de prendre la plume, possède assurément une voix bien à lui. Un écrivain est né.

Quand je lis les avis enthousiastes à son sujet, je me dis que je suis peut-être passée à côté de quelque chose... mais ce roman m'a beaucoup déçue, j'ai trouvé l'écriture certes belle mais pas crédible, à aucun moment je n'ai cru ni à l'intrigue ni aux personnages. Je suis toutefois ravie de voir que ce premier roman d'un très jeune auteur fasse son chemin :)
RépondreSupprimerLa question à mon sens n'est pas celle de la crédibilité. Il s'agit d'une voix qui s'exprime, d'un cri qui se traduit par la force de l'écriture. Sur Instagram, où j'associe volontiers les livres à des oeuvres picturales, j'avais d'ailleurs d'abord pensé au "Cri" de Munch ; j'ai finalement opté pour un portrait de jeune garçon par Schiele dont la forme me semblait répondre à celle de ce texte. Quoi qu'il en soit, je comprends que l'on puisse ne pas être sensible à ce type d'écriture. Pour ma part, il me touche et j'ai trouvé beaucoup de talent à ce jeune auteur.
SupprimerTu donnes envie de découvrir cette jeune plume prometteuse.
RépondreSupprimerTant mieux, alors, car telle était bien mon ambition :-)
SupprimerIntéressant de lire le commentaire d'Inganmmic après ton billet. C'est ce que j'aime sur les blogs, cette diversité d'avis. Je me tiens éloignée des medias en ce moment, je n'ai pas entendu parler de ce jeune homme, il me reste à me faire ma propre idée sur son roman.
RépondreSupprimerMême si je ne suis pas très tentée par ce livre-ci, les éditions du Panseur m'ont souvent fourni de belles découvertes et des voix singulières.
RépondreSupprimer