Vigdis Hjorth
Actes Sud, 2025
Traduit du norvégien par Hélène Hervieu
Cela fait plus de trente ans que Johanna n’a plus parlé à sa mère. Ou que sa mère ne lui a plus parlé. Depuis qu’elle a tout plaqué - famille, mari, métier, pays - pour aller vivre une autre vie dans une autre partie du monde. Mais laquelle des deux a-t-elle vraiment fermé la porte à l’autre ?
Devenue artiste plasticienne, Johanna a l’occasion de revenir dans sa ville natale pour une exposition. L’homme qu’elle avait suivi aux Etats-Unis est désormais mort, leur fils John a de son côté pris son envol et est à son tour parti mener son existence, avec sa compagne, dans un autre pays. Est-ce la réplique d’une situation qu’elle a vécue et qu’elle connaît à présent en tant que mère qui entraîne des questionnements et l’amène à vouloir renouer avec la sienne ?
Elle se lance comme on se jetterait dans le vide et l’appelle. Mais sa mère ne répond pas. Plus Johanna tente de reprendre contact avec elle, plus celle-ci se refuse, aidée en cela par sa seconde fille qui s’interpose comme un solide rempart.
Johanna tourne en boucle. Pourquoi ? Pourquoi un rejet aussi inflexible ? Elle revient sur le passé. Est-ce son absence à l’enterrement de son père qui a définitivement scellé la rupture ? Est-ce son choix de vie que ses parents se sont révélés incapables d’accepter ? Elle-même nourrissait-elle une forme d’opposition à l’égard de ses parents dont son départ n’aurait été que la manifestation la plus radicale, et nécessaire ? Quant à sa soeur, lui en aurait-elle voulu de la laisser seule face à leurs parents ?
Ce roman explore avec une opiniâtre acuité les relations intra familiales dans toute leur complexité : les rapports de domination au sein du couple, la perception plus ou moins consciente que peuvent en avoir les enfants, l’impact que cela produit sur eux, les phénomènes de projection des parents sur leurs enfants, les voies d’émancipation que ces derniers peuvent se ménager, mais aussi la place laissée à l’amour au milieu de tout cela…
D’un abord assez âpre, ce texte nous fait entrer dans les replis de la vie intime de Johanna pour nous dévoiler peu à peu les non-dits, les renoncements, les rancoeurs, les concessions, les compromis qui sédimentent l’architecture familiale. D’un matériau aussi austère, l’auteure parvient à faire un roman dont l’intensité dramatique croît progressivement, communiquant au lecteur le sentiment de malaise que connaît la narratrice. Mais si le vertige le saisit, c'est peut-être aussi parce qu'il peut trouver dans les questions que soulève ce récit un écho à celles qui sont les siennes. Même si celui-ci ne résonne que de manière très lointaine.
On sent que c'est une lecture forte.
RépondreSupprimerOui. Ce à quoi, je ne m'attendais pas car il y a vraiment une montée en puissance progressive du récit.
SupprimerIntrigant ce titre, on a envie de savoir si elle est morte ou pas et ce qui a amené à cette rupture radicale.
RépondreSupprimerEffectivement, la question de la nature et de l'origine de cette rupture est au coeur du récit, et le traitement est extrêmement fin.
SupprimerOuh là, je passe... pas du tout le genre de thèmes qui me tentent.
RépondreSupprimer:-D
SupprimerC'est sans appel !
Quand tout est mort autour de soi, quand on est au fond du trou, sans doute est-ce le lieu où revenir aux sources, à ce qui a engendré nos choix? Merci pour ce qui me sera une découverte, et pour cet article aussi littéraire que subtil.
RépondreSupprimerMerci pour votre aimable commentaire.
SupprimerJe crois qu'en toute honnêteté, je vais passer, je ne suis pas sûre d'y trouver mon compte.
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