samedi 14 mai 2022

Minuit sur le monde

Jules Pétrichor

Illustrations d'Enness Edwood
Les Editions du Panseur, 2020




Imaginez un peu : il est minuit, il fait nuit noire. Jusque là, rien que de très ordinaire, me direz-vous. Sauf que l’aube ne viendra plus : le soleil un jour a cessé de se lever. Quand ? Nul ne s’en souvient. Les montres se sont figées, seules les trotteuses ont continué d’égrener les secondes sans plus entraîner avec elles le cours du temps, et les hommes ont appris à vivre dans cette obscurité, dans cet obscurantisme. 

Car de ce bouleversement sont nés des cataclysmes, rendant intenables les conditions d’existence et décuplant les inégalités entre les hommes désormais privés de liberté et de dignité.

Partout se sont imposés l’arbitraire ainsi que de redoutables organes de contrôle, tandis que les systèmes de taxation, toujours plus injustes, ne cessaient d’accroître la précarité des plus démunis, relégués dans les zones les plus inhospitalières… Certes, en Irlande et ailleurs on reste encore relativement à l’abri de ces conséquences dramatiques. Mais la tentation du repli incline à la fermeture des frontières et au rejet de l’étranger. Le monde ne cesse de se racornir. De Dublin à Nouakchott, à Paris ou à Rome, partout la même chape de silence et de résignation. 


Pourtant, ici ou là, quelques murmures se font entendre à qui sait les écouter, certains individus tentent de s’insurger. Lui est aux aguets. Peut-être parce que les livres le lui ont soufflé, il pressent  qu’un autre ordre est possible. De son Dublin natal où un premier cri a déchiré le silence de la nuit, il part arpenter le monde afin de prendre son pouls et de retrouver, peut-être, lumière et humanité.   


Fable écologique autant que politique - ou inversement - ce roman est une ode à la fraternité et à la tolérance. Il plaide pour l’insoumission et pour la diffusion des livres qui forment les citoyens éclairés. Ce récit ne se veut pourtant pas militant - ce qui ne serait certainement pas péjoratif sous ma plume ! - ni moralisateur. Il y a de la poésie dans ce récit faisant la part belle à un imaginaire débridé entremêlant volontiers des univers variés. L’inventivité se loge jusque dans dans de savoureux néologismes donnant d’emblée la couleur délicatement fantasque de ce texte.


On reconnaîtra sans mal le monde dans lequel nous vivons, mais l’auteur parvient à en donner une image teintée d'une élégance, et je dirais presque d’une forme de légèreté, tout à fait inattendue, que viennent subtilement relever quelques illustrations à l’encre. Un roman surprenant, donc, ce que l’on ne saurait que louer !


6 commentaires:

  1. Je ne l'ai pas repéré du tout celui-là, alors que j'aurais pu, c'est dans mes cordes. Ma bibliothèque ne l'a pas. Reste à espérer une sortie poche.

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    1. Pas sûr que ce soit prévu... Par contre, tu peux peut-être demander à ta bibliothèque de l'acquérir...

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  2. Intéressant. Je vais guetter sa sortie en poche...

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  3. Oh mais il pourrait me plaire ce livre. Merci de le mettre en avant, je ne l'ai croisé nulle part...

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    1. Premier roman publié dans une toute jeune et petite maison d'édition... pas exactement le profil dont sont friands les médias...

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