mardi 1 mars 2022

Quand je reviendrai

Marco Balzano
Philippe Rey, 2022


Traduit de l’italien par Nathalie Bauer



N’en déplaise à certains, les phénomènes migratoires sont devenus une composante de notre monde et de notre histoire : que ces mouvements trouvent leur origine dans des conflits - comme nous sommes hélas en train de le voir avec l’offensive russe en Ukraine - dans les conséquences du réchauffement climatique rendant certaines régions du monde totalement inhospitalières ou qu’ils soient de nature économique, ils ne résultent jamais d’un choix délibéré. Marco Balzano s’est intéressé dans son nouveau roman à un phénomène particulier, celui des femmes venues de Roumanie qui débarquent à Milan ou à Rome pour prodiguer leurs soins aux personnes âgées devenues dépendantes.


Si ces femmes se décident à quitter leur pays, c’est autant parce qu’elles n’y trouvent pas de travail que parce qu’elles savent pouvoir occuper dans le pays d’accueil les emplois dont la population locale ne veut pas. Cette histoire n’a rien de neuf !

Marco Balzano raconte ainsi le parcours de Daniela, ayant littéralement fui son foyer au petit matin de peur de ne pas trouver le courage de s’arracher à son mari, lui-même au chômage, et à leurs deux enfants. Il dit la solitude, l’acharnement à multiplier les heures jusqu’à épuisement afin de faire grossir la somme expédiée tous les mois, le lien qui se délite, l’espoir d’un retour qui s’amenuise peu à peu. Il le fait sans dramatisation aucune : cette femme avait pris sa décision en pleine connaissance de cause et l’assume.


Mais l’originalité et la force de ce récit résident dans le choix qu’a fait l’auteur d’évoquer cette situation à travers le regard de ceux qui en subissent les conséquences directes. Il s’agit des enfants : Manuel, un adolescent plutôt introverti, et Angelica, l’aînée, à qui incombe désormais la tenue du foyer et le soutien de son frère. Balzano explore le hiatus entre l’espoir de Daniela de voir ses enfants « réussir » grâce aux sacrifices auxquels elle consent et la détresse dans laquelle ils sombrent en raison précisément de l’absence de leur mère. Une équation bien difficile à résoudre…


Ce roman nous invite aussi à poser un autre regard sur les personnes auxquelles nous demandons de veiller sur nos proches, qu’il s’agisse de nos parents ou de nos jeunes enfants. Un roman qui se situe en Italie, mais pourrait tout aussi bien être ancré en France.

6 commentaires:

  1. Une situation qui met finalement tout le monde en difficulté, mais que faire .. ce sont des problèmes qui devraient se résoudre à d'autres niveaux que ceux de la population la plus démunie. Je note.

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    1. Ce sont surtout des problèmes qui demanderaient à être traités dans le cadre d'une coopération transnationale... totalement utopique, donc.

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  2. Voilà qui m'intéresse. Il y avait d'ailleurs un personnage de ce type dans La Tour si tu t'en souviens (et un dans Numéro 11 de Jonathan Coe...), la nécessité d'immigrer pour parvenir à nourrir les siens n'est pas nouvelle et risque de s'amplifier avec les nouveaux déséquilibres à venir dans le monde. Malheureusement.

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    1. Ah mais non seulement je m'en souviens très bien, mais j'y ai pensé pendant ma lecture. D'ailleurs, c'était également un personnage qui venait des pays de l'Est.
      Pour le reste, oui hélas, on n'a pas fini de voir ces phénomènes s'amplifier...

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  3. Un sujet qui résonne avec l'actualité.

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