Osvalde Lewat
Les Escales, 2021
L’histoire pourrait se passer dans plus d’un pays d’Afrique. La Franco-Camerounaise Osvalde Lewat a choisi de la situer dans un Etat imaginaire : au Zambuena règnent la corruption, le patriarcat et la superstition. Chacun a une place assignée, et celui qui tenterait de s’y soustraire se verrait relégué au rang de paria. Dans ce contexte, Katmé a-t-elle vraiment la possibilité de conduire sa vie comme elle l’entend ?
Elle était âgée de treize ans lorsqu’elle perdit sa mère. Son père ayant quant à lui d’autres préoccupations que celle d’élever ses enfants, Katmé et sa jeune soeur Sennke furent recueillies par leur tante, qui en avait déjà douze… Pas le meilleur des départs dans la vie ! Sennke traça son chemin en entrant dans les ordres, chez les soeurs rédemptoristines, et Katmé le sien en faisant un « beau mariage », devenant « Maman Préfète » et par là-même une citoyenne de classe A.
Etre femme de notable signifie évidemment jouir d’un indécent confort matériel, avoir à son service une armada de domestiques, de jardiniers et de chauffeurs. Cela implique aussi d’abandonner son travail, de se consacrer à la vie domestique, d’organiser les réceptions utiles à son époux. Il faut abdiquer tout ce qui pourrait nuire à la carrière de ce dernier et s’astreindre à participer aux déjeuners hebdomadaires du Cas - le Club des amies du Zambuena - autrement dit fréquenter les autres « femmes de », quelque opinion que l’on en ait. Cela suffit-il à donner un sens à sa vie ?
Sans doute pas, et c’est pourquoi son amitié avec Samy est si précieuse à Katmé.
Depuis le lycée, où ils se sont rencontrés, ces deux-là partagent tout et Katme n’hésite pas à soutenir financièrement son ami pour qu’il puisse développer ses talents artistiques. Son oeuvre a pourtant des accents contestataires… qui servent opportunément d’alibi libéral à l’establishment local. Mais le jour où Samy est accusé d’homosexualité, pénalement répréhensible, la ligne rouge est franchie et la machine s’emballe.
Désormais, Katmé doit choisir. Abandonner Samy à son sort et rester une citoyenne de classe A ou prendre son parti et devenir "une Z", ainsi que l’est devenu Samy.
L’auteure dresse le tableau sans concession d’une société africaine dominée par les hommes, où les femmes leur sont encore largement assujetties et où l’homosexualité est considérée comme la pire des perversions. Avec ses personnages bien campés, ses descriptions pittoresques et la langue colorée qui nourrit ses dialogues, Oswalde Lewat nous embarque très vite dans son univers. Mais son dessein n'est pas de donner dans l'exotisme, et lorsque la violence surgit, elle n'en est que plus effroyable et saisissante. On sort de ce texte fortement secoué, bouleversé, voire révolté. Mais la littérature a-t-elle vocation à édulcorer les choses ? Je ne le crois pas. Oswalde Lewat non plus, de toute évidence.
Encore un sujet bien dur, mais c'est hélas l'état du monde .. je suis allée voir la nationalité de l'auteure, franco-camerounaise. Je vais voir si la bibliothèque peut le commander.
RépondreSupprimerTu as raison de le préciser, je vais le rajouter dans mon billet !
Supprimerça semble très sombre, mais bien sûr, ce n'est pas une raison pour ne pas s'y intéresser. Merci pour la découverte.
RépondreSupprimerJe reconnais que la lecture d'une scène en particulier m'est apparue particulièrement éprouvante. Mais elle est hélas le reflet d'une réalité.
SupprimerBon... j'avoue que je n'ai pas réussi à m'intéresser à ce texte, l'impression de déjà beaucoup lu pour ma part, ce qui ne remet en cause son intérêt pour d'autres lecteurs.
RépondreSupprimerPersonnellement, il m'a beaucoup touchée. Et j'ai apprécié, comme je le dis dans mon billet, ce mélange entre un ton très pittoresque, presque léger par moments, et l'horreur de ce qui est dévoilé.
SupprimerUne lecture qui remue, on dirait.
RépondreSupprimerOui. En tout cas, en ce qui me concerne, il m'a vraiment ébranlée.
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