dimanche 28 avril 2019

Tous, sauf moi


Francesca Melandri

Gallimard, 2019


Traduit de l’italien par Danièle Valin



Comment réagir quand vous trouvez un jour, sur le pas de votre porte, un parfait inconnu prétendant être le petit-fils de votre propre père ? Que penser face à un jeune homme qui appartiendrait à votre famille proche et dont la couleur de peau et le parcours personnel sembleraient pourtant le renvoyer à un monde totalement étranger au vôtre ? 

Lorsqu’Ilaria, Romaine d’une quarantaine d’années, fait cette expérience, son premier réflexe est de se tourner vers son père, Attilio, alors âgé de 95 ans. Il faut dire qu’elle a déjà été confrontée à une situation comparable, à l’adolescence, lorsqu’il lui apprit qu’outre les deux frères qui partageaient son toit elle en avait un autre, lui révélant ainsi la double-vie qu’il menait depuis plusieurs années... De combien de secrets la vie de son père est-elle encore faite ? Hélas, celui-ci est aujourd’hui atteint de sénilité, inexpugnable rempart à la vérité...

Avec son demi-frère lui aussi prénommé Attilio, Ilaria va alors se livrer à une scrupuleuse enquête pour dérouler le fil de cette existence qu’elle croyait connaître. Mais interroger une vie qui a traversé les conquêtes coloniales et le fascisme, dans une Italie où le racisme et l’hostilité à l’égard des migrants sont désormais monnaie courante, implique de faire face à bien plus qu’à ses racines familiales : c’est se préparer à scruter l’histoire et l’identité nationales.

Tout l’art romanesque de Francesca Melandri réside dans cette habileté à mêler l’histoire intime à une véritable radiographie de son pays. En alternant les épisodes contemporains et les scènes remontant à diverses époques du passé, elle parvient avec une incroyable acuité à dévoiler progressivement les fondements de la société actuelle. Amoureux de l’Italie, préparez-vous à être sérieusement ébranlés ! Car si ce pays est aujourd’hui, comme bien d’autres démocraties hélas, à la merci des populismes les plus vils, Francesca Melandri nous révèle combien il est le fruit de valeurs solidement enracinées trouvant leur source dans une histoire dont l’Italie reste très imprégnée.  

Un roman courageux et ambitieux. Comme j’aimerais qu’un romancier français nous offre une telle oeuvre, aussi lucide, sur notre propre pays...


Je remercie vivement Nicole d'avoir mis ce livre sur mon chemin. 

21 commentaires:

  1. Ah j'ai bien envie de découvrir cette auteure!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Quant à moi, il me reste à lire ses deux précédents romans !

      Supprimer
  2. Tu n'as pas perdu de temps pour le lire ! J'y viendrai, mais pour le moment, son volume m'arrête un peu...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Nicole m'en avait parlé et m'avait déjà sérieusement donné envie de le lire. Je pensais me le garder pour les vacances, mais après son billet plus question d'attendre !
      Et pour le volume, fait donc comme moi, lis-le en numérique : tous les livres font la même épaisseur ;-)

      Supprimer
  3. Oh oui je le lirai ! J'ai déjà beaucoup aimé Plus haut que la mer. C'est un livre à acheter !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu as raison : je regrette presque de l'avoir en numérique...

      Supprimer
  4. Je te réitère mon conseil : lis L'Art de perdre d'Alice Zeniter, tu ne seras pas déçue (ou alors je rends mon tablier ;-) )

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je pensais bien à ce précieux conseil de ta part en concluant mon article ;-)

      Supprimer
  5. Il va me le falloir celui-là ! J'ai beaucoup aimé "Plus haut que la mer". Aifelle.

    RépondreSupprimer
  6. Tes dernières phrases sont extrêmement convaincantes !

    RépondreSupprimer
  7. Oui, j'ai entendu cette romancière en conférence et elle n'a pas peur de parler de la corruption dans son pays ! Elle était venue présenter ce livre qui a l'air génial mais j'ai préféré acheter Eva dort, son précédent roman sur l'histoire de l'Italie. J'avais adoré Plus haut que la mer.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Une lecture que vous finirez par faire, vraisemblablement. Il a tout pour vous passionner :-)

      Supprimer
  8. Il me tente ne serait-ce que pour mieux connaître l'histoire de l'Italie !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il apporte vraiment un éclairage et une matière à réflexion sans équivalent !

      Supprimer
  9. Au début de l'été j'ai lu "Eva dort" que j'ai vraiment beaucoup aimé ; j'ai appris des choses, j'ai eu très envie d'aller découvrir les paysages de ce coin d'Italie qu'elle évoque et qui est aussi le Tyrol du Sud (les bons livres me font toujours cet effet là 😉), et j'ai été émue par une très belle histoire, le tout dans une narration impeccable, précise mais concise. Est-ce pour ça que je suis déçue ici ? Attendais je trop de ce troisième opus de la signora Melandri ? Je viens juste d'en terminer la lecture. Que c'est bavard, et redondant ! Sans vraiment être très clair en même temps (pourquoi aller coloniser l'Éthiopie, par exemple ). Les batailles sont atroces, on finirait presque par lire en diagonale. Et, last but not least que ce patriarche m'est resté foncièrement antipathique !! Bon, le livre n'est pas mauvais, hein, mais vraiment vraiment trop long (à mon goût bien entendu !)

    RépondreSupprimer
  10. Je viens de te mettre le même commentaire que je viens de laisser chez Krol ;-) oui, le fond est très intéressant, bien sûr....mais c'est un peu "boursouflé" tout de même...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. boursouflé n'est pas le terme que j'emploierais. V'est dense, très ambitieux et je te concède peut-être quelques longueur. Mais cela me semble être au service d'un projet consistant à aller chercher les racines profondément enfouies de l'histoire d'un pays pour en expliquer la situation actuelle. Pas facile, mais très éclairant.

      Supprimer
  11. Chère Olympe Je suis de plus en plus sensible à la réussite (pas objective, hein, subjective, forcément subjective... ;-) du format choisi par un auteur. Certains pavés m'enthousiasment encore ! mais dans l'ensemble je me rends compte qu'un certain art de la concision me séduit, de plus en plus . Je t'accorde que le "boursouflé" était sans doute excessif, mais je venais de tourner la dernière page après une lecture de 8 jours (dont deux longs voyages en train tout de même) avec,à mes yeux quelque chose comme 150 pages de trop (vraiment bcp de redites). Je ne juge pas les auteurs, évidemment, mais je commente de façon un peu cash, tu le sais, mes ressentis de lectrice :-))

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce serait gonflé de ma part de reprocher aux autres d'être cash !!! ;-)
      Mais de me mon côté, je m'attache toujours à défendre mes convictions :-) Et même si le décalage temporel entre les échanges et la difficulté à développer ses idées dans le cadre étroit des commentaires sur les réseaux sociaux les rendent un peu poussifs, ce sont quand même ces dialogues qui font le sel de notre activité de blogueuses !
      Comme toi, il m'arrive souvent de penser que les pavés auraient largement pu être élagués. Mais en l'occurrence, je trouve que cela permettait de rentrer vraiment dans les arcanes de l'histoire de l'Italie pour en comprendre la situation politique et sociale actuelle.

      Supprimer