mercredi 27 septembre 2017

David Bowie n’est pas mort

Sonia David

Robert Laffont, 2017



A un an d’intervalle, Hélène perd sa mère, puis son père. Evidemment, dans ces moments-là, on regarde dans le rétroviseur, et la disparition rebat les cartes de la géographie familiale.
La mère d’Hélène était un personnage atypique qui ne songeait qu’à se singulariser et cherchait en permanence à être l’objet de toutes les attentions. Pour Hélène comme pour ses deux sœurs, il paraissait impossible de s’affirmer sans s’affranchir totalement de celle qui occupait tout l’espace. Son écrasante personnalité fit rapidement voler en éclat la cellule familiale. Le mari partit avec la babysitter, tandis que le lien entre les trois filles se fit de plus en plus distant.

Avec la mort, les souvenirs remontent. Les affaires que l’on découvre, les lettres que l’on retrouve, les réactions des connaissances renvoient une autre image des défunts. On croyait s’être forgé une carapace, on s’était fait une idée que l’on pensait définitive sur les différents membres de sa famille, et voilà que les lignes bougent, imperceptiblement.

Hélène résiste pourtant. C’est par ricochet qu’une autre mort va venir ébranler l’édifice de ses certitudes. Lorsqu’elle apprend la mort de Bowie, les digues de sa mémoire sautent et elle s’effondre en larmes, alors qu’elle n’avait pas, ou si peu, pleuré lors du décès de sa mère.
Elle réalise tout ce que Bowie, qui avait été l’idole d’Anne, sa sœur aînée, cristallisait alors d’opposition aux parents tout en ouvrant vers une forme de complicité avec elle-même.

Avec ce livre, Sonia David évoque la famille et les liens qui unissent - ou pas - les différents membres qui la composent. Beaucoup de choses paraissent justes, notamment dans la manière dont les uns et les autres élaborent des stratégies pour déjouer les rancœurs ou les incompréhensions, la manière dont on peut se construire par rapport à une histoire et une culture familiales.
Est-ce le caractère profondément intime du sujet ? La douleur, l’angoisse qu’il ne peut manquer de susciter ? L’auteure a choisi de le traiter avec une certaine distance. L’humour dont ne se départ pas la narratrice permet souvent de contenir l’émotion. Il me semble pourtant qu’à vouloir la tenir à l’écart, le texte y a perdu un peu de chair. J’aurais, pour ma part, aimé être plus en empathie avec les personnages, ressentir plus de chaleur. Mais face à la question de la mort, chacun développe ses propres mécanismes de protection...

23 commentaires:

  1. J'ai aimé moi cette distance mais je comprends ton ressenti final. Ton billet est très beau !

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    1. Merci Antigone. Comme je le disais à la fin de mon billet, chacun peut avoir une approche très différente, et je comprends aussi qu'on puisse apprécier cette prise de distance.

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  2. Je viens de lire un billet sur ce roman chez Cathulu. Je le prendrai quand il sera à la bibliothèque, pour me faire ma propre idée.

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  3. Le deuil, la famille, la mort de Bowie... ça fait beaucoup pour un seul livre...

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    1. Je pense en fait que ça dépend du rapport qu'on entretient soi-même avec tout ça ;-)

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  4. Tout cela me rappelle des souvenirs, pas forcément agréables... Du coup je n'ai pas très envie de me plonger dans ce genre d'histoires.

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    1. Eh oui, on fait forcément cette expérience-là un jour ou l'autre...

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  5. Je l'avais mis dans mon choix pour les Matchs de la rentrée littéraire puis je me suis ravisée au dernier moment sur ce titre. Finalement à te lire, et même si tu y as trouvé quelques failles, je me dis que j'aurais peut-être dû le laisser dans ma liste.

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    1. Bon, après y a pas que Priceminister dans la vie ;-)

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    2. Et heureusement ! Ma petite librairie sera parfaite :-)

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  6. Je vais passer mon chemin. Impression d'avoir déjà lu ce roman cent fois! Tu penses que j'ai raison de penser ça?!

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    1. Lu cent fois ? Je ne sais pas, ce n'est pas mon cas. Mais bon, si ça ne te tente pas plus que ça...

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  7. Tu vois, le titre me donnait envie de fuir mais ce que tu en dis, m'intéresserait presque. En fait, je suis plutôt cliente des livres qui parlent du deuil et de ce que cela fait ressurgir (sûrement du à mon côté joyeux), mais comme une de tes lectrices, je crains quand même d'avoir lu déjà ce livre (je ne sais pas si ça te parle, un court roman de Chandernagor qui raconte le deuil de la mère vécu par les 3 filles, je crois qu'il s'appelait la Voyageuse de nuit)

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    1. Non, je n'ai pas lu ce livre de Chandernagor. Du coup, je ne sais pas s'il en serait proche ou pas... A tenter, peut-être ?

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  8. Je viens de terminer ce roman et je suis assez d'accord avec toi... A peine terminé, déjà oublié. Bien que j'aie passé un agréable moment, je n'ai ressenti aucune émotion. Et je n'ai pas trop compris la troisième partie et ce David Bowie qui tombe comme un cheveu sur la soupe !

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    1. Je pense que c'est une manière de faire face au deuil, de le surmonter grâce à tout ce qu'il renvoie de souvenirs et surtout des rapports familiaux plus ou moins conflictuels. En fait, je trouve ça plutôt pas mal et assez fin, ça agit comme une madeleine. Mais ce qui m'a surprise c'est plutôt le moment où ça arrive : en fin de récit, mais en fait entre le décès de la mère et du père. Du coup, l'articulation avec la mort du père n'est pas évidente...

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  9. Ce livre m'a émue il est ecrit juste à la bonne distance pour moi.

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    1. Comme je le disais, la bonne distance, en la matière, est une affaire toute personnelle...

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  10. Ce que j'aime avec ton blog, c'est que je découvre des titres de la rentrée littéraire qui me laissaient totalement froide, au point que je n'étais même pas allée me pencher sur leur cas. Du coup, je découvre de quoi parle ce bouquin et je m'aperçois que le sujet pourrait me plaire. A savoir si j'aimerais la manière dont il est traité... A voir !

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    1. Comme c'est gentil, Lili, tu ne saurais me faire plus plaisir !
      A lire les commentaires, l'approche de l'auteure suscite des réactions plutôt contrastées. A toi de voir, donc, en effet ;-)

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  11. Il m'attend, je ne vais pas tarder à me faire mon avis sur la question du coup ;-)

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