dimanche 8 mai 2016

Un printemps 76

Vincent Duluc

Stock, 2016


Une adolescence stéphanoise à l'heure de la gloire des Verts.

Un tel millésime, associé à la photo de l’enfant en pantalon patte d’eph que l’on peut voir sur le bandeau, ne pouvait que retenir mon attention. J’apprécie en effet les récits d’enfance, ces retours sur soi souvent empreints d’une certaine nostalgie qui permettent de mieux comprendre l’adulte qu’on est devenu : sans doute un héritage de mon cher Vallès... Et bien sûr, lorsque l’époque à laquelle se déroule l’histoire coïncide avec celle de ma propre enfance, l’empathie que je suis susceptible de ressentir n’en est que plus vive.

Or voici que cette enfance a pour cadre la ville de Saint-Etienne, ville que l’on imagine aujourd’hui sinistrée par le déclin puis la disparition de ses activités historiques, la passementerie, l’extraction du charbon et la célèbre Manufrance, qui fit autrefois vivre une bonne partie de la population. On garde l’image d’une ville particulièrement marquée par les antagonismes sociaux et les luttes ouvrières et syndicales. Une ville, en un mot, d’où de tout jeunes gens épris de découverte, d’absolu, n’imaginant pas leur vie sans un souffle épique, ne pourraient que vouloir fuir... C’est ce que fit Vallès, natif du Puy-en-Velay, qui passa son enfance à Saint-Etienne lorsque son père enseignant y obtint un poste et qui garda de cette époque un sentiment d’enfermement. C’est ce que fit aussi mon propre père, qui fuit autant sa famille qu’une étouffante bourgeoisie provinciale qu’il honnissait.
C’est dire si cette ville est pour moi forte d’évocation, suscitant toutefois des souvenirs tendres et heureux : ceux liés à mon grand-père, puis, plus tard, à quelques courts séjours que j’y fis avec mon père, au moment de la fête du Livre, lorsque la ville s’anime d’une joyeuse effervescence, pour m’inscrire à l’université où enseignait le spécialiste de Vallès qui dirigeait mes recherches. Une jolie boucle en somme.

Ce détour pour expliquer en quoi ce livre était particulièrement destiné à me toucher.
J’ai aimé retrouver les lieux, les noms, l’atmosphère qu’évoque Duluc. Son portrait de Saint-Etienne est particulièrement incarné, sans doute parce qu’il revient sur une époque très particulière de son histoire : celle où les Verts captaient le regard et le cœur de très nombreux Français, tandis qu’ils emmenaient le pays en finale de la coupe d’Europe de football. 
Ce printemps 76 fut pour le jeune Stéphanois une sorte de parenthèse enchantée, les héros du moment étant presque des membres de sa propre famille, des frères de cœur qu’il pouvait presque approcher. Et leur entraîneur, Roger Rocher, donnait au fameux accent gaga une audience nationale !

Pour le jeune garçon amateur de football, ce moment fut sans doute décisif lorsqu’on sait que l’auteur, Vincent Duluc, devint journaliste sportif, chroniqueur reconnu et auteur d’anthologies du ballon rond. 

C’est tout l’intérêt et la force de ce livre que de nouer un moment très particulier de l’histoire de la ville, lorsqu’elle connut un instant de gloire fugitif, avec celui où l’adolescent se cherchait et trouvait peut-être sa voie.

Duluc raconte tout cela avec tendresse et lucidité, et avec une plume alerte; il possède en outre un joli sens de la formule, qui peut néanmoins parfois se révéler légèrement alambiqué. Mais il fait avec talent le portrait d’une génération et celui d’une ville jadis ouvrière, dotée d’une identité très forte, et qui dut, au tournant des années 1980, faire face à une crise économique et identitaire très forte. Un bel hommage.


C'est Joëlle qui a attiré mon attention sur ce livre 


13 commentaires:

  1. Un roman qui parle de football, ce n'est pas du tout pour moi ..

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    1. Pas vraiment, en fait. C'est le récit d'une adolescence, au moment précis où les Verts donnèrent une heure de gloire et de lumière à la ville que le jeune garçon habitait. Evidemment, ce jeune homme est devenu chroniqueur de football, donc ce sport joue un rôle important dans sa vie, mais cela aurait pu être tout autre chose. C'est surtout le récit d'une adolescence, la construction d'un être au moment où sa ville est en plein déclin.

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  2. Un auteur qu'il m'est arrivé de croiser en regardant quelques débats sur une chaîne sportive. Il m'a paru bien sympathique mais je me demandais si son roman valait la peine. Tu réponds à la question de façon positive ;)

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    1. Si tu connais déjà l'auteur, tu auras sans doute plaisir à le découvrir sous un jour un peu différent...

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  3. J'ai déjà croisé une ou deux chroniques enthousiastes sur ce livre qui évoque aussi toute une époque pour moi, depuis Paris mais fortement influencée par l'épopée des verts (j'avais l'album Panini... non mais !). Il est dans ma liste.

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    1. On est de la même génération : les Verts nous ont forcément marquées (même si en matière de vignettes Panini, j'étais plutôt Walt Disney ;-)

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  4. Je ne sais pas trop, j'hésite à le noter.

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    1. Le mieux, dans ces cas-là, c'est d'attendre qu'il arrive en bibliothèque...

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  5. ah non, je ne peux pas :) désolée!

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  6. Ah, les "poteaux carrés"! Je l'ai sur ma pile à lire, ce roman, et justement pour Saint-Etienne: cela fait plusieurs années que je hante sa Fête du Livre.

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