lundi 13 juin 2022

Au café de la ville perdue

Anaïs Llobet
L’Observatoire, 2022



C’est une histoire vieille comme le monde, celle de deux communautés prétendant ne pas pouvoir cohabiter. Celle-ci plonge ses racines dans l’antagonisme historique entre Grecs et Turcs, qui s’est douloureusement cristallisé à Chypre. Aujourd’hui, l’île est divisée en deux territoires : au sud-ouest, la République de Chypre ; au nord-est, la République turque de Chypre-Nord. Varosha, jadis florissante cité balnéaire de la côte orientale devenue une zone militaire en ruines, est l’amer symbole de cette scission. Et le coeur de l’excellent roman d’Anaïs Llobet déjà très remarquée pour Les hommes couleur de ciel. 


Ariana vit dans le souvenir de la maison du 14, rue Ilios qu’elle n’a pourtant jamais connue. Son père Andreas était enfant, en 1974, lorsqu’il avait précipitamment dû fuir la ville au bras de sa tante Eleni sans même prendre le temps d’emporter quelques affaires. Depuis l’attaque militaire turque qui en avait chassé tous les habitants, Varosha est restée fermée, sombrant peu à peu dans le délabrement et interdisant toute possibilité de retour. 


Mais ce drame n’était sans doute rien pour l’enfant qui n’a jamais revu ses parents. Le couple composé d’un père chypriote grec et d’une mère chypriote turque n’a en effet pas résisté au contexte de tension extrême régnant entre les deux communautés. Pour sa famille paternelle, qui n'avait jamais vu cette union d'un bon oeil, il ne fait pas de doute qu’Ariadni s'est enfuie avec un Turc. Ioannis s’est quant à lui enrôlé dans la marine pour ne jamais revenir…


Avec l’histoire de cette famille et à la faveur d’allers-retours entre l’époque contemporaine et les années 60 à 70, Anaïs Llobet bâtit une remarquable architecture narrative qui permet progressivement au lecteur de comprendre - et peut-être même de découvrir - l’histoire complexe de cette île qui a intégré l’Union européenne en 2004 en dépit des échecs successifs de réunification. Parfaitement documenté et ne négligeant aucun détail historique, ce roman ne sacrifie pourtant rien à la qualité de la fiction et au plaisir de la lecture, et confirme ainsi le talent de cette jeune auteure.



Nicole a beaucoup aimé aussi.




7 commentaires:

  1. Ah, je suis bien contente de te lire et j'adhère à 100% à ce que tu écris.

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  2. Je l'ai acheté, pour le thème, et parce que j'avais bien aimé le précédent. Il m'attend donc...

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    1. Comme je l'ai dit sur FB, je crois que j'ai encore préféré celui-ci, plus poétique, plus délicat - mais dans lequel on entre toutefois moins facilement. Et qui révèle en outre avec beaucoup de précision une histoire (avec un grand H) que je connaissais pas vraiment. Très bonne lecture à toi.

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  3. second roman que je lis de cette auteure et qui m'a enchanté.

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  4. J'en ai lu que du bien, à retenir donc !

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  5. Je n'ai toujours pas lu cette autrice, mais j'en ai bien l'intention, au moins ce titre !

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