jeudi 1 décembre 2016

Numéro 11

Jonathan Coe

Gallimard, 2016


Traduit de l’anglais par Josée Kamoun


Jonathan Coe au mieux de sa forme !

Ah! Enfin je retrouve Jonathan Coe ! Celui qui me fait vibrer, celui qui provoque chez moi des émotions, de francs éclats de rire ou de vifs sentiments de révolte ! Quelle joie d’avoir lu ce livre !
Pourtant, ce n’est pas sans une certaine appréhension que j’en ai entrepris la lecture. Entre quelques commentaires frileux que j’avais pu découvrir ici ou là et les deux derniers titres de l’écrivain qui m’étaient tombés des mains, je redoutais d’être à nouveau déçue. Mais tant de ses romans m’avaient conquise, par leur veine sociale, leurs personnages attachants et les situations bien campées qu’ils présentaient, que je ne pouvais que lui redonner sa chance. Combien ai-je eu raison de le faire !

Dans ce roman découpé en cinq parties, Coe nous plonge dans cinq univers différents qui ont pourtant un lien entre eux : deux jeunes femmes, Rachel et Alison, avec lesquelles on fait connaissance alors qu’elles sont enfants et que l’on retrouve à différents moments de leur vie. Elles sont amies, elles vont se côtoyer, s’éloigner et se retrouver au fil du roman. 
Mais ces récits ont d’autres points communs. Un certain nombre onze, tout d’abord, qui hante les pages de cette onzième oeuvre de l’auteur. Et puis, surtout, la mise en évidence des pires travers de notre société : surexposition dans les médias et sur les réseaux sociaux; travail clandestin et exploitation de la misère humaine; financiarisation de tous les aspects de l’existence, savoir et sentiments compris... Et surtout, Coe pointe l’accroissement sans borne des inégalités.
Mais ne croyez surtout pas que Coe ait écrit un roman lourdement démonstratif. Ses personnages sont touchants et nous connaissons tout ce qu’il dépeint, qu’il s’agisse des émissions de téléréalité, des difficultés d’accès aux soins médicaux ou des établissements d’enseignement régentés par des exigences de rentabilité. De même, on imagine sans peine le luxe indécent dans lequel peut vivre la petite partie de la population mondiale qui se partage l’essentiel des richesses, dans lequel Rachel va se trouver un temps projetée. Mais le génie de Coe est de présenter tout cela dans un univers cohérent et de parvenir à en montrer l’absurdité et la folie.

Il pose un miroir que l’on voudrait croire déformant sur notre monde pour nous contraindre à en percevoir sa perversion ; un miroir que Rachel va traverser, telle une Alice contemporaine, passant du monde des allocations et des banques alimentaires où elle fait du bénévolat, à celui d’un luxe obscène et effréné, pour devenir la préceptrice des enfants d’un couple richissime, au risque d’y perdre la raison. 
Comme l’héroïne de Caroll, elle finira par revenir au sein de l’univers rassurant qui lui est familier. 
Mais qu’adviendra-t-il de ce monde cruellement inégalitaire dont elle a découvert toutes les facettes ? Connaîtra-t-il finalement une justice immanente ? A chacun de nous, sans doute, de nous interroger en conscience, de sonder chacun de nos actes à chaque moment de notre vie.



C'est moi qui vous le lis ! (4 min 16 sec)

30 commentaires:

  1. Excellent souvenir de "Testament à l'anglaise", beaucoup moins de "La maison du sommeil". Coe n'est pas une priorité pour moi, mais si sa route croise la mienne en bibliothèque, je pourrais me laisser tenter...

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    1. Testament est l'un des seuls que je n'ai pas lus. J'ai adoré tous ses livres à l'exception de Monsieur Sim et Expo 58. Je lui dois de vrais et franches émotions. Un des seuls écrivains capables de me faire franchement éclater de rire !

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  2. Ce sera l'une de mes prochaines lectures et j'ai hâte ...

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  3. Auteur toujours pas abordé, je note les titres qui t'ont moins plu pour ne pas commencer par eux !

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    1. Au vu des commentaires ci-dessous, il faut peut-être commencer par Testament à l'anglaise ?

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  4. Tu n'as pas lu Testament à l'anglaise ?!? Mais fonce, vole et régale toi de ce jeu de massacre extra lucide ! Premier lu de Coe, tellement aimé que la suite a été...délicate

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    1. Même surprise que Mior ! pareil, c'était le premier que je lisais, et si j'ai bien aimé Bienvenue au club/Le cercle fermé, j'ai eu beaucoup plus de mal avec les autres...
      Je suis contente que tu aies aimé N°11, je t'avoue que j'hésitais à le lire, car j'en avais marre d'être déçue par les parutions successives de Coe...

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    2. Mais oui, je suis d'accord avec toi, Mior, c'est à peine croyable ;-)
      Eva, vas-y sans hésiter : Coe a renoué avec sa veine sociale, qu'il avait un peu laissée tomber ces derniers temps.

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  5. Je n'ai toujours pas lu cet auteur !!!

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  6. Je suis fan de l'auteur, je suis loin d'avoir tout lu de lui, mais n'ai jamais été déçue... J'espère bien lire ce roman assez vite ! Et bravo pour l'extrait lu, c'est un petit "plus" bien agréable !

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    1. Merci Kathel. C'était assez sympa à faire en tout cas.
      Je ne le réitérerai sans doute pas systématiquement, mais j'aime assez l'exercice. Même s'il n'est pas si aisé qu'il en a l'air...

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  7. Je suis fan, je le veux, ma bibli l'a commandé!!!

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    1. Si tu veux, on ouvre le fanclub (quoiqu'il en ait sans doute déjà un) ;-)

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  8. J'ai beaucoup aimé "La maison du sommeil", "Le testament à l'anglaise" est dans mes projets et du coup celui-là peut-être aussi. Tu as une très belle voix :-)

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  9. Je n'ai lu que "La pluie avant qu'elle tombe". Je ne sais pas s'il est très représentatif du style de l'auteur ?...

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    1. Pas du tout, en effet. C'est un titre très intimiste - que j'ai beaucoup aimé. Mais il est très à part dans son oeuvre, qui se caractérise plutôt par des personnages très ancrés dans la réalité et la société anglaises. Tu devrais en essayer d'autres.

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  10. Ce n'est pas mon préféré ( je crois que je suis passée un peu à côté:))

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  11. Et dire que j'ai "bienvenue au club" dans ma bibliothèque depuis des années et que je ne l'ai pas encore lu!!! Et maintenant celui-ci me fait de l'oeil!

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    1. Décidément, il va bien falloir que tu finisses par céder à la tentation ;-)

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  12. C'est vrai qu'avec lui ça peut être plus ou moins bon... Donc, en général j'attends que ses livres apparaissent à la bibliothèque. Je suis ravie de savoir que celui-ci est un bon cru !

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    1. Pour moi, ce sont vraiment ses deux précédents titres qui m'avaient déçue. Ce n'était pas qu'une question de changement d'orientation dans son écriture, puisque La pluie avant qu'elle tombe marquait déjà une rupture avec le reste de son oeuvre, et que j'avais beaucoup aimé ce roman.
      Je suis néanmoins vraiment ravie de le voir renouer avec son style d'origine.

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  13. La veine sociale est celle que je préfère chez Coe et comme Papillon, je suis ravie de lire ton avis très positif !

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  14. Auteur jamais lu pour moi non plus. Pas faute d'en avoir entendu parler pourtant !

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  15. J'ai adoré ce livre plein d'humour pour un sujet social finalement très dur...coe est un vrai farceur à l'anglaise. Bravo pour ton billet !!

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    1. Merci Faten. Il m'est arrivé de moins aimer certains de ses livres, mais qui n'a jamais de coup de mou ? Il a un talent fou... et l'humour en plus ! Je suis ravie qu'il t'ait plu.

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