Pour la première fois sur mon blog, j'ai la joie d'accueillir un écrivain pour lui poser quelques questions sur son travail. C'est vraiment un immense plaisir d'inaugurer cette rubrique avec Laurent Binet,
dont j'ai vraiment beaucoup apprécié le dernier roman ! Un grand merci à lui !
(Entretien réalisé par mail)
(Entretien réalisé par mail)
Votre livre, La septième fonction du langage, ne ressemble à aucun autre. Il aborde sous une forme extrêmement rocambolesque un sujet pourtant sérieux, qui est celui du pouvoir du langage. Comment vous est venue l’idée de construire une intrigue policière pour parler de linguistique et de sémiologie ?
C'est la sémiologie elle-même qui m'a donné l'idée : la science des signes, c'est la science de Sherlock Holmes. Barthes était un genre de Sherlock Holmes, dont il possédait les qualités : observation, déduction, imagination.
Vous maîtrisez manifestement très bien le sujet. Aviez-vous fait auparavant un travail plus académique sur les théories que ces sciences humaines développent ? Ou bien est-ce plus particulièrement dans le cadre de l’écriture de ce roman que vous vous êtes documenté sur la question ?
Les deux. J'ai donné des cours de sémiologie à Paris 8, et je connais assez bien les grandes théories linguistiques de Saussure, Jakobson, Eco, Austin ou Searle. En revanche, pour les besoins de l'enquête, si je puis dire, je me suis plongé (avec avidité) dans Derrida, Deleuze, Foucault...
Je ne vous demanderai pas ce que Sollers a pensé de votre roman...
En revanche, savez-vous quelle a été la réception de ce texte dans les milieux universitaires? Vous sait-on gré de mettre la linguistique à la portée du grand public ? (Je précise, car c’est une question qui revient souvent, qu’il n’est aucunement besoin de maîtriser ces théories pour lire votre livre, qui est à cet égard tout à fait pédagogique !).
J'ai eu des réactions enthousiastes ou au minimum amusées de linguistes. Cela m'a fait plaisir, évidemment, que des spécialistes reconnaissent le sérieux de mon travail derrière la satire et le picaresque du roman.
Vous vous amusez à faire entrer le réel dans une fiction totalement échevelée, sans chercher toutefois à y introduire de la vraisemblance. Aujourd’hui, dans la littérature, les frontières entre fiction et réalité sont de plus en plus perméables. Cette dimension est au centre de nombreux romans de cette rentrée. Le texte se fait volontiers réflexif, ce qui donne d’ailleurs au lecteur un rôle beaucoup plus actif. Quelle approche avez-vous de cette question ?
Pour moi, la réflexivité est la définition même du roman moderne. Mais cela ne date pas d'aujourd'hui : Don Quichotte était déjà un roman moderne (sans doute même l'acte de naissance du roman moderne). J'aime qu'un roman s'interroge d'une façon ou d'une autre sur les conditions de son propre fonctionnement. Don Quichotte, c'est ça : un vieil hidalgo qui a trop lu de romans de chevaleries, et donc une réflexion sur le pouvoir de la littérature.
Pour conclure, avez-vous déjà l’idée d’un prochain livre ? L’autofiction pourrait-elle être une piste ?
Non, je ne crois pas, même si l'autofiction est un genre respectable qui a produit des oeuvres très intéressantes (et d'autres plus médiocres, comme partout). Je n'en sais rien, on verra bien.
Retrouvez également mon billet sur La septième fonction du langage
c'est avec plaisir que j'ai lu cet entretien qui fait ressortir à la fois la culture et la modestie de l'écrivain .
RépondreSupprimerBravo pour cet éclairage,
Est-ce que ça annonce d'autres entretiens?
Mais j'espère bien !
SupprimerJ'ai entendu plusieurs fois Laurent Binet à la radio, je retrouve les propos que j'ai entendus d'une manière ou d'une autre. L'avantage ici, c'est qu'ils sont écrits, et j'y reviendrai quand j'aurai lu son livre. C'est sympa qu'il ait bien voulu répondre à tes questions :-))
RépondreSupprimerEn plus d'avoir du talent, c'est quelqu'un de charmant !
SupprimerJe suis vraiment flattée qu'il ait accepté, d'autant qu'il est actuellement très sollicité.
Merci, Delphine (et Laurent, bien sûr). Je n'y connais rien en sémiologie mais me réjouis d'avoir ce livre à la bibli (un jour je l'emprunterai, pour l'instant j'ai un gros gros pavé sous le coude). Il me tarde!
RépondreSupprimerEt je confirme : Don Quichotte est ahurissant de modernisme , je l'ai lu deux fois (et avec plaisir!)
Je serai ravie de découvrir ton avis, Keisha !
Supprimer(Quant à moi, je n'ai pas lu Don Quichotte... Il faudra bien que je m'y attelle un jour...)
Super ! Tu as posé exactement les questions dont je voulais connaître les réponses, et ça me plait qu'il évoque Don Quichotte (comme Cercas !)
RépondreSupprimerAh, ça me fait plaisir ce que tu dis ! Cet exercice était pour moi une première (mais j'espère bien pas une dernière)...
SupprimerEt j'ai comme toi pensé à Cercas !
Magnifique cet entretien ! Tout : les questions comme les réponses !
RépondreSupprimerTu as dû te régaler !
Merci beaucoup.
SupprimerJ'avoue que ça a été un véritable plaisir, d'autant que Laurent est quelqu'un d'aussi intéressant que sympathique !
Il est extra ton billet Delphine et en plus j'adore ta dernière question un peu tordue sur l'auto-fiction (bon maintenant on le sait: Binet n'est pas du genre à taper sur les collègues). Merci beaucoup de ce super rendez-vous ;-)
RépondreSupprimerTu sais que grâce à toi, il est en tête de ma liste de Noël ;-) ce roman.
Quelle chance tu as eue qu'il accepte.
Waouh, la pression ! Il vaudrait mieux que le bouquin te plaise si je veux te revoir par ici !
SupprimerC'est vrai que j'osais à peine lui demander, vu qu'il disait qu'il venait d'enregistrer le jour même deux plateaux télé super branchés... Quand il m'a dit oui, j'étais aux anges :-)
C'est vraiment un exercice très chouette que j'ai très envie de réitérer !
c'est la super classe! LE roman qu'il me tarde de découvrir!
RépondreSupprimerIl faut dire qu'il vaut le détour ! Bonne lecture à toi
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