dimanche 21 mars 2021

Laura Antonelli n’existe plus

Philippe Brunel
Grasset, 2021



« Laura Antonelli n’existe plus ». Cette phrase aurait été prononcée par l’actrice elle-même, répondant ainsi aux sollicitations d’un journaliste qui souhaitait l’interviewer. Ainsi anticipait-elle le relatif oubli dans lequel elle est tombée, avant même son décès en 2015. Mais elle affirmait surtout sa détermination à faire une croix sur son passé cinématographique, à se retirer de l’espace public pour s’inscrire dans une forme de retraite quasi spirituelle.


Il faut dire que sa gloire et son succès n’ont pas été sans se doubler de terribles revers. Rendue célèbre par ses rôles dans des films dotés d’une indéniable charge érotique, c’est en 1973 avec Malizia qu’elle acquiert définitivement le statut de sex symbol en incarnant le personnage d’Angela, une domestique mettant en émoi toute une famille de la petite bourgeoisie italienne. Un statut dont ne se départira plus celle qui fut qualifiée par Visconti de « plus belle femme du monde ». Une figure certes difficile à endosser dans une société italienne encore marquée par l’empreinte mussolinienne et engoncée surtout dans un oppressant carcan catholique et patriarcal. Aussi la presse ne manquera-t-elle pas de se délecter de sa disgrâce lorsqu’elle sera arrêtée pour détention de drogue et quand, cédant à la pression des producteurs, elle sera défigurée par des injections de collagène : cette figure féminine sexuellement libérée pouvait-elle, au moment où sa jeunesse commençait à s’enfuir et sa beauté à connaître les marques du temps, continuer à se jouer impunément des codes moraux ? 


Sous le couvert d’une enquête diligentée dans les années 90 par un producteur français, le narrateur - dont on ne peut s'empêcher de se demander jusqu’à quel point il emprunte à l’auteur - s’était envolé pour Rome afin de rencontrer l’actrice désormais recluse. A travers les souvenirs que lui a laissés cet épisode, il révèle avec élégance et retenue les épreuves et les tourments de cette femme. 

Tout cela n’aurait cependant qu’un intérêt mineur s’il s’agissait de s’en tenir à une chronique people. Mais le narrateur met les faits en perspective avec le contexte social de l’époque et révèle, par petites touches, combien ce qu’incarnait Laura Antonelli ne pouvait que finir par être voué à la vindicte et au châtiment.

Tout en nuance et en élégance, ce texte ne manque pas d’une certaine grâce que l’on prêterait volontiers à la belle Laura.


9 commentaires:

  1. C'est un monde qui ne m'intéresse pas beaucoup. On ne compte plus hélas, le nombre d'actrices et d'acteurs défigurés par les interventions esthétiques.

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    1. Le récit est loin de se limiter à ça ! Au contraire, il y fait mention car cela a sans doute contribué à précipiter le retrait de l'actrice, mais sans doute moins que le procès consécutif à sa détention de cocaïne qui a duré 9 ans. Quoi qu'il en soit, l'auteur ne s'attarde pas sur ces éléments.
      Je retiens plutôt la manière dont cette femme a pu servir de bouc émissaire dans une Italie coincée entre libération sexuelle et morale catholique, et l'affichage d'un pouvoir qui voulait se montrer inflexible, montrer que la justice n'accordait aucun passe-droit, alors même que la société était gangrénée par le mafia. Je schématise beaucoup, mais c'est ce que le livre suggère entre les lignes.

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    2. Oui, je vois ce que tu veux dire, je me souviens bien d'elle en tant qu'actrice, je pense que c'était un milieu extrêmement difficile pour les femmes .. et que ça l'est toujours.

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  2. Je me souviens de sa beauté et de son incroyable sensualité. Sujet certainement intéressant, j'ai entendu quelqu'un en parler très bien. Pas suffisamment motivée pour l'inclure dans ma pile ;-)

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  3. cela a l'air bien traité! Je note!

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  4. Une actrice que je ne connaissais pas.

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