dimanche 13 janvier 2019

La transparence du temps


Leonardo Padura

Métailié, 2019


Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas



Depuis le temps que je voulais découvrir cet auteur, j'ai enfin lu mon premier Padura ! Avec une couverture pareille, il faut dire, comment résister ?

J’avais pourtant mal négocié mon départ... Si le héros, Conde, ancien flic à la retraite voyant approcher avec une certaine fébrilité le jour fatidique de ses 60 ans, apparaît d’emblée sympathique et attachant, les maints tours et détours qu’il emprunte avant d’entrer dans le vif du sujet ont clairement mis ma patience à l’épreuve. Néanmoins, comme, en matière de lecture tout du moins, je suis douée d’une certaine capacité d'endurance, j’ai persévéré... et bien m’en a pris !
Car, au-delà de la quête de la vierge noire qui a été dérobée à son propriétaire par le jeune amant de celui-ci et qui est au coeur de l’intrigue, ce qui fait pour moi l’intérêt et l’attrait de ce roman, c’est l’ambiance qui s’en dégage et le tableau qu’il brosse de Cuba. De Cuba aujourd’hui. Loin des décors de carte postale et des images romantiques d’un peuple dressé contre l’impérialisme américain, Padura évoque la manière dont le régime castriste a profondément et durablement modelé la population.

Depuis Obama, les relations entre Cuba et l’Amérique se sont «normalisées». Les Cubains peuvent désormais sortir de leur pays sans risquer leur vie sur des embarcations de fortune, comme Jesus Diaz, notamment, l'avait en son temps décrit avec talent et non sans humour dans un excellent roman* ; ils peuvent également se procurer sur leur île les biens de consommation que l’on trouve partout ailleurs dans le monde.
Enfin ça, évidemment, c’est la théorie. Parce qu’en pratique rares sont les Cubains ayant les moyens de s’offrir un téléphone portable ou de s’attabler dans l’un des restaurants à la mode qui ont désormais pignon sur rue. Bien au contraire, ce pays qui avait cru pouvoir éradiquer les inégalités a vu se creuser des écarts abyssaux entre des individus ayant réussi à s’enrichir grâce à toutes sortes de trafics et ceux vivant dans des bidonvilles propres à faire frémir les Cubains les plus endurcis.

Quant à quitter son pays, même si le rêve semble désormais accessible, tourner le dos à sa famille, à ses amis, à ses habitudes est une décision qui ne va pas de soi. Surtout lorsqu’on est né sous le régime de Castro et qu'on n'a jamais eu le loisir d'avoir à effectuer le moindre choix. Partir ou rester, décider de donner telle ou telle orientation à sa vie est une option dont ce peuple a été trop longtemps privé pour pouvoir à présent facilement exercer cette liberté. Choisir est sans doute l’une des choses qui semblent aux personnages de Padura les plus difficiles à faire. Et, à lire l'écrivain, l'apprentissage de cette faculté qui nous semble si évidente et si élémentaire nécessitera peut-être encore de nombreuses années... Et c'est sans compter les contraintes économiques qui restreignent bien souvent le champ des possibles...


* Parle-moi un peu de Cuba, également paru chez Métailié en 1999, comme l'ensemble des livres de cet écrivain disparu en 2002. 


12 commentaires:

  1. Comme Conde est devenu un vieux pote à moi, je me suis surtout concentrée sur lui durant ma lecture, mais c'est vrai que le contexte cubain est toujours intéressant. Il te reste à lire les autres de l'auteur..; ^_^

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    1. C'est un roman foisonnant, chacun peut y trouver des choses différentes selon sa sensibilité :-)

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  2. Comme je l'ai dit chez Keisha je ne n'ai jamais lu Padura mais comme je ne lis pas souvent de policier, j'ai peur de ne pas apprécier.

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    1. Oui, enfin ce n'est pas du tout classique comme policier. Et en tout cas, ce n'est pas du roman noir.
      D'ailleurs, pour moi, comme je tente de le faire comprendre dans mon article, c'est davantage une ambiance et la restitution du climat social, politique, économique du pays dont il est question. C'est bien pour ça que je l'ai apprécié : les thrillers, ce n'est pas vraiment mon truc ;-)

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  3. Un des romans qui me tentent beaucoup dans cette rentrée (comme Keisha, Condé est un vieux pote !) ;-)

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  4. Depuis ma récente découverte de l'auteur, j'ai super hâte de poursuivre avec d'autres romans autour de Mario Conde. Ça faisait longtemps que je n'avais pas eu un tel coup de foudre littéraire !

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    1. Génial ! Et guette : il est actuellement en France, où il fait la tournée des librairies. Avec un peu de chance, il va peut-être passer près de chez toi...

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  5. La rencontre de vendredi m'a donné vraiment envie de le découvrir mais je vais en choisir un plus ancien pour faire connaissance avec le personnage et son univers... En tout cas, l'homme est charmant, hyper bavard, il a mis une jolie ambiance dans la petite librairie qui était pleine à craquer.

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    1. Et toi, tu me donnes carrément envie d'assister à une de ses rencontres. ! Il était au Divan ce matin, mais je ne pouvais pas y aller. Je crois qu'il passe bientôt chez Millepages...

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  6. J'avoue que je ne connaissais pas cet auteur mais ton billet donne vraiment envie de le découvrir plus avant. Je le note ! Merci Delphine.

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    1. Eh bien, je te souhaite une belle lecture ! Et je suis ravie de te retrouver ;-)

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