samedi 24 juin 2017

Maestro

Cécile Balavoine

Mercure de France, 2017



Voyage au bout d'une passion

Décidément, après Van Gogh, voici qu’il m’a été donné l’occasion de lire, grâce au groupe des 68 Premières fois, un autre texte inspiré par un monstre sacré. C’est du côté de la musique, cette fois, que l’auteure est allée chercher l’inspiration. Un art qui m’est sans doute moins familier que la peinture, puisque j’avoue fréquenter avec beaucoup plus d’assiduité les musées que les salles de concert. Mais avec Mozart, puisque c’est de lui qu’il s’agit, je me sentais tout de même en terrain connu...

Depuis sa plus tendre enfance, Cécile, la narratrice, a une passion : Mozart. Et quand je dis passion, je devrais plutôt parler de dévotion. Car Cécile ne se contente pas d’écouter Sa musique, dont elle connaît chacune des pièces. Elle a lu toute Sa correspondance, a passé des vacances à Salzbourg, où elle a bien entendu visité Sa maison natale, avant d’y retourner plus tard poursuivre des études. Elle sait à quelle période de Sa vie correspond chaque morceau, dont elle ressent jusque dans sa chair les émotions qui y sont liées. Ne vous étonnez pas de cette graphie : c’est celle qu’emploie l’auteure lorsqu’elle évoque Celui qui occupe constamment son esprit. Car je ne dirais pas que Cécile aime Mozart. Non, elle est habitée par Lui.
Mais cette obsession, elle le sait, est difficilement concevable et compréhensible. Elle a donc appris à la dissimuler. A l’adolescence, lorsqu’on l’interrogeait sur ses goûts musicaux, elle affirmait écouter Police... mais faillit bien un jour se trahir lorsqu’elle alla jusqu’à prétendre qu’en revanche elle n’aimait pas Sting !
Parvenue à l’âge adulte, Cécile semble avoir réussi à imposer une distance entre elle et l’objet de son admiration. Mozart a cessé de hanter ses jours et ses nuits. A l’aube de ses quarante ans, elle a enfin ouvert son cœur à un homme et semble même en passe d’envisager une liaison stable avec lui.
Jusqu’au moment où elle entre en contact avec Maestro.
Dans un cadre professionnel, elle est amenée à interviewer un illustre chef d’orchestre. Bien que l’entretien se déroule par téléphone, entre eux s’opère immédiatement une étonnante alchimie. Ils parlent le même langage, vibrent des mêmes émotions, la musique confère à leur vie une égale intensité. Ils entrent aussitôt en communion, et Cécile retrouve avec Maestro la ferveur qui l’avait un instant quittée...

Etonnante déclaration d’amour à la musique et à l’incarnation du génie artistique qu’est Mozart, ce texte écrit d’une plume trempée dans l’encre de la passion se révèle parfois troublant, tant l’héroïne semble possédée par un feu dévorant. Il y a dans ce texte un caractère mystique qui cherche désespérément à s’incarner. Mais c’est bien la rencontre entre ces deux dimensions qui donne à ce texte sa puissance et son charme singulier.



Nicole a écrit un très beau billet ; Joëlle est également tombée sous le charme

Et pour ceux qui voudraient prolonger leur lecture, une exposition sur Mozart se tient actuellement à Paris, à la bibliothèque-musée de l'Opéra





De la bombe de Clarisse Gorokhoff, Gallimard
Elle voulait juste marcher tout droit
de Sarah Baruck, Albin Michel
La plume de Virginie Roels, Stock
La sonate oubliée de Christiana Moreau, Préludes
La téméraire de Marie Westphal, Stock 
La tresse de Laetitia Colombani, Grasset
Le coeur à l'aiguille de Claire Gondor, Buchet-Chastel
de Stéphanie Kalfon, Joëlle Losfeld 
Maestro de Cécile Balavoine, Mercure de France
Marguerite de Jacky Durand, Carnets Nord
Marx et la poupée de Maryam Madjidi, Le Nouvel Attila 
Mon ciel et ma terre de Aure Attika, Fayard
Ne parle pas aux inconnus de Sandra Reinflet, Jean-Claude Lattès 
Nous, les passeurs de Marie Barraud, Robert Laffont 
Outre-mère de Dominique Costermans, Luce Wilquin 
Presque ensemble de Marjorie Philibert, Jean-Claude Lattès
Principe de suspension de Vanessa Bamberger, Liana Levi

14 commentaires:

  1. C'est un livre vraiment singulier, oui. Il y a des passages vraiment superbes (les scènes d'amour sont magnifiquement écrites je trouve)... Le mystique est tout de même bien contrebalancé par le côté charnel qui évite de s'envoler trop haut, je pense... Je suis comme toi, plutôt portée vers la peinture que la musique mais l'alchimie s'est produite, et bien produite :-)

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    1. Etonnamment contrebalancé, je dirais.
      Je me demandais vraiment jusqu'où irait Cécile avec Maestro, car pour moi il y a vraiment une part de fantasme très forte. En fait, au départ, je ne m'attendais pas à ce qu'elle passe du côté charnel. Mais pourquoi pas. C'est en tout cas bien mené et remarquablement écrit.

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  2. Cette passion pour Mozart est-elle pathologique ? Empêche-t-elle l'héroïne d'avoir une vie sociale ? C'est étonnant cette nécessité de cacher qui on est et ce qu'on aime pour vivre en société...

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    1. C'est en effet une passion qui prend beaucoup de place dans la vie de l'héroïne (mais n'est-ce pas le fait de toute passion ?). Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une passion qui naît dans l'enfance et se développe à l'adolescence, une période à laquelle on vit les choses très intensément. Et où l'on a besoin de rentrer dans un groupe. Or, là où ses amies ont des posters de Police dans leur chambre, Cécile a quant à elle des affiches de Mozart et lit sa correspondance... Sa meilleure amie connaît cette passion, ses parents aussi, de même qu'une sorte de correspondante à Salzbourg. Mais elle a conscience que cette passion n'est pas compréhensible pour les autres, dont elle ne veut pas se couper. Elle a donc d'une certaine manière du recul par rapport à ça.
      Ce texte offre vraiment une approche intéressante, je trouve (et il est très bien écrit, ce qui ne gâche rien !)

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  3. Repéré aussi sur le blog de je-ne-sais-plus-qui. Tu confirmes qu'il faut que je me penche sérieusement sur ce roman.

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  4. plusieurs avis très positifs sur la blogo, et une très belle couverture... ce livre donne vraiment envie que l'on s'y arrête! décidément, les 68 révèlent de bien belles surprises...

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  5. Je suis plus tentée par l'expo que par le roman, je dois dire. Les passions extrêmes me font un peu peur...

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    1. Je crois voir ce que tu veux dire mais, franchement, le bouquin n'est jamais pesant. L'héroïne est certes animée par une passion très forte, envahissante, mais qu'elle parvient tout de même à dominer, d'une certaine manière...
      Mais en effet, l'expo, par ailleurs, est tentante !
      Ceci étant dit,

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  6. La musique classique ne me fait vraiment ni chaud ni froid, et tous les romans qui abordent cette thématique me laissent de marbre.

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  7. les avis semblent unanimes... tentée, je suis!!!

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