samedi 22 février 2014


Jaguar

Hector Tobar

Belfond, 2014


Roman traduit de l'américain par Pierre Furlan

☀ 


A travers l'histoire d'une vengeance, Tobar brosse les portraits croisés d'un homme ordinaire devenu un servile meurtrier à la solde du régime en place, et d'un exilé ayant fui son pays à la suite de l'assassinat de sa famille.

L’Amérique latine nous offre un nouveau roman riche et intéressant sur la dictature, sujet récurrent chez les auteurs issus de ce continent, tant celui-ci a souffert des nombreuses juntes militaires qui s’y sont succédé. 
Cette fois, l’action se passe pour partie à Los Angeles, où s’est réfugié le héros après le sauvage assassinat de sa femme et de son fils, et au Guatemala, pays d’origine des parents de l’auteur. 

Le roman s’ouvre à Los Angeles, où l’on découvre Antonio sur le point de devenir SDF,  ayant perdu son emploi d’aide-serveur, alors qu’il était dans son pays un brillant étudiant dirigeant une revue littéraire.
Par la construction du récit incluant de nombreux flashbacks, on apprend peu à peu qu’Elena a été tuée par une milice paramilitaire en raison de ses engagements politiques. Antonio a par chance pu en réchapper, contrairement à leur fils de deux ans, qui a subi le même sort que sa mère. En prenant la fuite, Antonio a juste le temps d’apercevoir l’auteur de ces exactions: son visage et le jaguar tatoué sur son bras resteront gravés dans sa mémoire.  
Lorsque, plusieurs années plus tard, le hasard met Antonio en présence de l’homme au tatouage dans un parc de Los Angeles, où celui-ci a également élu domicile, naît aussitôt en lui une soif de vengeance et de justice au nom de sa propre famille, mais également de tous les innocents - femmes, hommes, enfants - qui ont été ses victimes.

Le roman alterne habilement les points de vue, celui d’Antonio, intellectuel révulsé par la sauvagerie aveugle des actes commis dans son pays et celui de Guillermo Longoria, paysan enrôlé de force dans l’armée alors qu’il était encore presque un enfant et qui a été «dressé» à éradiquer tout prétendu germe de subversion et de désordre.

Bien sûr, Tobar ne nous épargne pas quelques inévitables scènes de violence, mais sans  s’étendre dessus. En revanche, les pensées et «raisonnements» de Longoria sont parfaitement rendus, et Tobar nous permet ainsi de comprendre comment s’y prend un régime pour amener les hommes les plus frustes à exécuter froidement n’importe qui, y compris des enfants. Le tout sur une trame romanesque parfaitement construite, sur fond d’émeute des minorités ethniques.


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