dimanche 3 janvier 2021

Arène

Négar Djavadi
Liana Levi, 2020




On le sait bien, Paris est un formidable espace romanesque. Chacun de ses quartiers offre une matière singulière, et la liste des auteurs à s’en être emparés occuperait plus que la totalité de mon billet si je me risquais à l’établir !

Négar Djavadi a choisi d'évoquer le quartier qu’elle habite depuis une vingtaine d’années, circonscrit entre Belleville et Colonel Fabien. Si la capitale ne cesse de se gentrifier, cette zone est l’une des dernières à accueillir une population bigarrée, originaire de Chine, d’Afrique du Nord ou sub-saharienne, et le plus souvent en situation de plus ou moins grande précarité. 


C’est là que Benjamin Grossman a grandi, dans le petit appartement occupé par sa mère, restauratrice de films qui n’hésitait pas à trainer son fils dans les studios lorsqu’elle ne pouvait le faire garder. C’est ainsi qu’il a découvert les grands classiques du cinéma et qu’est née sa vocation. Mais Benjamin est animé surtout par la volonté farouche de s’en sortir et de mener une vie dont serait bannie toute difficulté financière. 

Aussi, dès qu’il en a eu la possibilité, s’est-il installé rue de L’Arbalète, en plein coeur de Paris… avant de s’envoler pour New York, lorsque BeCurrent, la plateforme reine des séries, lui a ouvert ses portes. 


Mais lorsqu’il revient à Paris, il se voit contraint de faire une incursion dans le quartier de son enfance pour rendre visite à sa mère. S’il s’y sent désormais étranger, ce n’est pas la demande que celle-ci lui fait de lui restituer ses clés pour pouvoir les confier au jeune réfugié qu’elle a recueilli qui apaise ce sentiment. Un incident va pourtant l’empêcher de quitter définitivement ces rues qu’il ne connaît que trop bien. Un incident qui survient alors que la tension monte, après qu’un jeune homme a été retrouvé mort au bord du canal Saint-Martin et qu’une policière a été filmée malmenant le cadavre…


Negar Djavadi est romancière, mais aussi scénariste. Cela se sent dans l’écriture de ce roman que l’on verrait sans mal adapté au cinéma… ou par Netflix ! Elle déroule son intrigue à cent à l’heure et ne laisse aucun répit à son lecteur qui tourne les pages aussi avidement qu’il enchaînerait les épisodes d’une trépidante série. Le soin apporté au moindre détail de chaque scène et la multiplicité des personnages, tous parfaitement campés, permettent de restituer une image très réaliste du quartier qu’elle évoque et de ses habitants, sans jamais sombrer dans la caricature. L'auteure nous immerge ainsi d'emblée dans l'univers qu'elle a su recréer avec un réel talent.

Mais bien entendu, comme l’exigent les codes des séries, elle part d’une trame parfaitement crédible qui, à la suite d’un enchaînement d’événements plus ou moins fortuits, va aboutir à une situation totalement explosive à laquelle chacun des protagonistes va se trouver mêlé. Et bien que le dénouement puisse paraître outrancier - encore qu’on a pu connaître des scènes pas si éloignées que ça dans la capitale - ce roman révèle avec éclat l’état d’une société à bout de souffle.

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