samedi 13 février 2016

L'autre Joseph

Kéthévan Davrichewy

Sabine Wespieser, 2016



Entre biographie et document historique, ce récit nous emmène dans la Géorgie du début du XXe siècle...

Rares sont les livres qui me laissent dans une certaine perplexité, et celui-ci en fait partie.
Kéthévan Davrichewy a choisi de retracer l’histoire de son arrière-grand-père Joseph, originaire de Géorgie, tout comme un autre Joseph, dit Sosso, dont l’histoire est quant à elle bien connue, puisqu’il s’agit de Staline. Cet aïeul âpre, qui ne fit pas grand cas de sa descendance pour laquelle il est resté nimbé de mystère avant de devenir un mythe familial, l’auteur s’efforce d’en reconstituer l’enfance et la jeunesse, aux côté de celui qui allait devenir le maître de l’URSS.

Il en résulte un livre offrant plusieurs facettes : il fait tout à la fois le portrait intimiste d’un ancêtre, retrace l’enfance de l’un des plus cruels tyrans de l’Histoire et évoque les prémices de la révolution russe.
C’est donc un livre assez riche, qui ne manque pas d’intérêt. Toutefois, force m’est de constater que je suis restée à distance des personnages et des événements qu’il relate tout au long de ma lecture. Or, c’est le genre de livre qui appellerait plutôt l’empathie et  devrait susciter l’émotion. A quoi cela est-il dû ?
Peut-être d’abord au fait qu’en dépit de l’intérêt qu’elle porte à ce Joseph qui ne s’occupa guère de ses enfants et connut à peine ses petits-enfants, l’auteure reste elle-même très en retrait. Il m’a semblé qu’elle tentait de tenir son sujet à distance pour faire plutôt oeuvre non pas de témoin privilégié, mais plutôt d’historienne. Plutôt que de proposer un point de vue personnel assumé, elle rapporte des propos, retranscrit des documents, qu’elle entrecoupe certes de commentaires personnels, mais tout reste soigneusement cloisonné. Or j’aurais attendu quelque chose de plus charnel, de plus habité...

Du coup, cela lui permet d’offrir un tableau plus large, dans lequel on voit se mettre en place les éléments qui conduiront à la révolution. On voit surtout se former la personnalité d’un enfant qui jouera un rôle capital dans la destinée de Joseph comme dans celle du pays tout entier. Le petit Sosso, dont le père est alcoolique et violent, est placé par sa mère sous la protection de Damiané qui occupe une sorte de fonction de patriarche au sein du village, et qui n’est autre que le père de Joseph. Bien qu’étant en constante  rivalité, les deux garçons sont très souvent ensemble et Damiané se préoccupe particulièrement du sort de Sosso. Au point qu’on murmure qu’il en serait en fait le père naturel. Il faut dire que la ressemblance entre les deux Joseph est troublante...
Si j’ai trouvé le point de vue adopté par l’auteure pour parler de son aïeul un peu trop froid, je l’ai en revanche trouvé tout à fait adroit pour aborder ce personnage qui a déjà fait l’objet de moult biographies et autres récits et analyses historiques. Le fait de l’observer de côté, par ricochet, apporte sur lui un éclairage différent que j’ai trouvé aussi original qu’intéressant.

Un avis contrasté, donc, pour un livre riche auquel il aura manqué pour moi un petit supplément d’âme pour être vraiment convaincant.


25 commentaires:

  1. Dommage en effet ; j'avais aimé son premier roman "la mer noire" où elle était bien impliquée. Je ne l'ai pas relue depuis. Je l'ai mise au programme pour le challenge grec (Quatre murs)

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    1. Je guetterai avec intérêt ton point de vue sur ce livre.

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  2. La mer noire m'avait un peu déçue, mais elle écrit bien.

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    1. Un peu dans le même mood que moi, si je comprends bien...

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  3. J'avais lu Les Séparées il y a quelques années et j'avais été déçue donc même si le sujet de celui-ci est très intéressant ton avis contrasté ne m'incite pas vraiment à le lire ...

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  4. Pour ajouter à la liste des semi-déçus... j'avais adoré La mer noire, mais été beaucoup plus mitigée avec Les séparées et Quatre murs... (mais je m'étais obstinée, tu vois !)

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    1. Du coup, tu comptes persévérer ou pas ?
      Une autre lectrice, Tynn, m'ayant dit sur FB que les arguments que je développais pour expliquer ma déception étaient pour elle plutôt des arguments en sa faveur, je me dis que peut-être tu aurais aussi malgré tout envie de le lire...

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    2. C'est vrai, que tu dises que c'est un peu froid ne me dérange pas... je tenterai sans doute !

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  5. Je l'ai repéré à la librairie depuis un moment car le sujet m'intéresse. Le fait que tu l'aies lu me donne envie de le lire à mon tour...mais je suis un peu en retard avec mes lectures et billets...ah, les copies à corriger...

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    1. Un livre qui intéressera certainement l'historienne que tu es...

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    2. Je suis en train de le lire et je n'avance pas...en même temps, j'ai plein de travail en ce moment.
      Comment dire ? Il est intéressant ce livre au sens informatif, documentaire mais côté romanesque, c'est pas ça quand même...

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    3. Bon ben, on est d'accord alors ;-)

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  6. On en entend beaucoup parler mais je n'en ferais pas une priorité.

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  7. Tu n'es pas la seule a sortir un avis mitigé sur ce livre, dont beaucoup ont pointé le manque de chair d'une certaines manières.
    Je découvrirai cette auteur avec un autre titre je pense...

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    1. Je n'ai pas lu quant à moi beaucoup d'avis sur ce livre. Mais je ne serais donc pas la seule à rester sur cette impression ?

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  8. J'ai lu tous ses livres et à chaque fois j'ai été séduite, bercée, par son style si doux. J'aime ses histoires sur la famille, elle a aussi très bien traité de l'amitié avec Les séparées. Je lirai ce nouveau roman, c'est certain mais je ne suis pas spécialement pressée. Peut-être a t-elle voulu changer de direction pour une fois et sortir de sa zone de confort? Bises!

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    1. Eh bien à toi de nous le dire, puisque tu connais bien cette auteure ;-)

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  9. Une de mes libraires l'a lu et a trouvé qu'il manquait comme tu dis un petit supplément d'âme.

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  10. J'avais apprécié "Les séparées", et j'ai noté "Quatre murs" depuis un moment, mais celui-ci me tente moins.

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  11. Ton avis me conforte dans l'idée que je n'y trouverai pas mon compte... Tant pis, je découvrirai l'auteure avec un autre titre !

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    1. Oui, peut-être ses précédents sont-ils meilleurs... ou ses prochains ;-)

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