mardi 2 septembre 2014

Big Brother


Lionel Shriver

Belfond, 2014


Traduit de l’américain par Laurence Richard



Ou lorsque la nourriture devient la préoccupation centrale de l'existence...

Auteur désormais installée, Lionel Shriver a choisi dans son dernier roman de parler d’un phénomène élevé au rang de cause nationale aux Etats-Unis, puisqu’elle y traite de l’obésité. Le sujet n’est a priori pas des plus glamour, mais il est vrai qu’il renvoie chacun d’entre nous à son propre rapport à la nourriture, et ce n’est pas là le moindre intérêt de ce livre, d’autant que l’auteur émaille son texte de réflexions, de métaphores et de comparaisons alimentaires, parfois surprenantes, mais qui font cependant ici parfaitement sens !

Pandora, mariée à ce qu’il faut bien appeler un ayatollah de la diététique, reçoit son frère Edison, qu’elle n’a pas vu depuis quatre ans. Quel choc à l’aéroport lorsqu’elle découvre que le séduisant jazzman s’est métamorphosé en un colosse de 175 kilos ! La cohabitation entre le dévoreur compulsif et l’obsédé du tour de taille promet d’être explosive, et Pandora va très vite être amenée à faire un choix entre les deux.
On craint au départ - en tout cas ça été mon cas - que ce schéma très caricatural ouvre la porte à des situations on ne peut plus simplistes. Et, lorsque Pandora prend la décision de coacher son frère pour lui permettre de perdre son excès de poids, j’avoue avoir été parfois rendue un peu perplexe par l’apparente simplicité du train que prenaient les événements.

Sans vouloir déflorer le roman, il s’y joue pourtant quelque chose de très intime et de très touchant. L’auteur ne s’en cache pas, et la quatrième de couverture révèle qu’il existe une part autobiographique à cette histoire, elle a perdu son frère des conséquences d’une obésité morbide. Dès lors, ce livre apparaît autant comme une réflexion sur la place de la nourriture dans nos sociétés que comme une catharsis. Mais ce récit ne prend jamais d’accent dramatique, et l’auteur ne se prive pas, au contraire, de traiter son sujet avec une certaine dose d’humour.
Toutefois, au-delà de sa propre réflexion sur cette expérience ô combien douloureuse, l’auteur semble y rejouer le rôle qu’elle n’a peut-être pas tenu. Mais aurait-elle dû jouer ce rôle ? Et l’aurait-elle pu ? C’est bien la question centrale de ce roman et c’est à mon sens ce qui en fait la valeur et le rend touchant aux yeux du lecteur.

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