En juin 2022 à Marseille disparaissait une femme. Déléguée syndicale à l’usine UPSA d’Agen, celle-ci avait participé au tournage des deux derniers films de Stéphane Brizé qui relataient des situations faisant écho à ce qu’elle vivait elle-même dans son entreprise. Entre récit intimiste et peinture sociale, Anne Plantagenet retrace l'existence d'une ouvrière engagée syndicalement et dresse ainsi un état des lieux de la condition ouvrière à l'heure de la mondialisation et de l'hégémonie des multinationales.
Jusqu’à ce que mort s’ensuive, Olivier Rolin, GallimardEn passant de Paris à Londres, des barricades de 1848 à nos jours, Olivier Rolin relate l’histoire de deux figures de la révolution de 48 que Victor Hugo avait brièvement évoquées dans une page des Misérables. Un texte riche, dense et comme toujours magnifique.
Passage de l’Avenir, 1934, Alexandre Courban, Agullo
Février 1934, la Troisième République est à bout de souffle et l’extrême droite marche sur l’Assemblée nationale pour s’emparer du pouvoir, donnant par là-même naissance au Front populaire. Un polar à caractère historique où la peinture d’un contexte social prime sur la résolution de l’énigme. Est-il besoin d’insister sur l’intérêt que peut représenter la lecture d’un tel roman aujourd’hui ?
Si vous vous interrogez sur les nouvelles technologies
et la manière dont elles modèlent nos existences
Python, Nathalie Azoulai, POL
Pétrie de littérature, Nathalie Azoulai effectue une plongée dans le monde obscur des codeurs. Que peut-il y avoir de commun entre son langage et le leur : l’un vise à produire du sens quand l’autre s’attache à exécuter un programme, le premier se tient du côté de la nuance et de l’ambiguïté, tandis que le second ne vise qu’à l’efficacité et à l’univocité. Le code tend à réduire le champ des possibles que la littérature ouvre au contraire à l’infini… Entre vertige et humour, ce roman est avant tout l’occasion d’une réflexion fine et pertinente sur la manière dont ce nouveau langage souterrain modifie en profondeur nos facultés cognitives, sur le pouvoir des mots et sur la puissance de la littérature.
Vallée du silicium, Alain Damasio, Albertine-Le Seuil
A partir des observations et des rencontres qu’il a pu faire à l’occasion d’un séjour à San Francisco, Alain Damasio décline les différents axes de sa pensée « technocritique ». Formidable gisement de réflexion, ces chroniques mettent en lumière notre obsession de la sécurité, notre propension à nous autoaliénéer aux technologies numériques, entraînant la perte de nos facultés cognitives et de notre capacité d’empathie et, in fine, nous privant de la possibilité de faire société. Un excellent bréviaire à l’usage de ceux qui entendent évaluer leurs usages des nouvelles technologies pour trouver la voie d’une utilisation raisonnée de ces outils.
Si vous avez envie de souffle romanesque
Filles du ciel, Michel Moutot, Le Seuil
Entre l’édification de la statue de la Liberté à New York et celle de la tour Eiffel à Paris, Michel Moutot nous offre un nouveau roman remarquablement documenté dans lequel ses fans retrouveront tout ce qui fait sa marque : une aventure humaine vécue par des personnages ordinaires unissant leurs efforts pour relever de véritables défis techniques, la présence d’un terrifiant protagoniste qu’il serait préférable de ne jamais croiser sur son chemin, une grande précision apportée dans la description des procédés de construction mis en oeuvre et bien sûr un ancrage socio-historique irréprochable !
Les héritiers de l’Arctique, Aslak Nore, Le Bruit du Monde
Traduit du norvégien par Loup-Maëlle Besançon
Suite donnée au Cimetière de la mer, ce roman poursuit l’histoire de la famille Falck : bataille d’influences, recomposition des alliances, manoeuvres personnelles, cette saga dépasse de loin le simple cadre familial pour s’inscrire dans le contexte géopolitique imposé par le voisinage de la Norvège avec la Russie et des gigantesques ressources naturelles que recèle cette zone. Un roman haletant qui a pour cadre le décor majestueux et fascinant des fjords…
Si l’art pictural est au coeur de vos passions
Bleu Bacon, Yannick Haenel, Stock
On ne présente plus la collection « Ma nuit au musée proposée » par les éditions Stock. En 2019, Yannick Haenel a ainsi pu passer une nuit en tête à tête avec les oeuvres de Francis Bacon dont le centre Pompidou proposait une rétrospective. De cette expérience ô combien singulière, l’écrivain a tiré un texte mettant en lumière les pouvoirs de la peinture et de la création artistique, et faisant le portait d’un peintre d’une puissance inouïe dont le geste créatif visait à faire reculer les ténèbres. Un projet d'actualité...
De plomb et d’or, François Jonquet, Sabine Wespieser
A partir de l’histoire fictive d’un jeune artiste ayant entretenu une relation d’ordre filial avec Christian Boltanski, François Jonquet nous fait entrer de plain-pied dans le domaine parfois hermétique de l’art contemporain et fait émerger de stimulants questionnements : l’art possède-t-il encore une dimension existentielle ? Qu’est-ce qui définit une oeuvre ? Quelle est la place de l’artiste ? De quelle manière et en quel sens la biographie est-elle constitutive de l’oeuvre ? Où se situent les limites de l’art ? Et bien d’autres encore. Souvent drôle, parfois dérangeant, l’auteur nous offre une passionnante introspection du milieu et du marché de l’art contemporain.
Saturation, Thaël Boost, Anne Carrière
A travers le regard du fantôme de Courbet revenu hanter notre époque, Thaël Boost fait le portait d’une femme et de la relation qu’elle entretient avec un homme qui étend sur elle une forme d’emprise. Chaque chapitre prend le titre d’une oeuvre de l'artiste, et c’est à la lumière de ce qu’il a lui-même pu connaître et de ce qu’il a peint dans ses tableaux qu’il perçoit et commente ce qui se déroule devant ses yeux. Les époques se répondent ainsi, et l’on perçoit à la fois les invariants et les évolutions à l’oeuvre dans la société. Un roman d’une grande originalité, très habilement mené et rendant un magnifique hommage à un artiste qui était résolument déterminé à remettre en cause l’esthétique dominante et l’ordre établi.
Si le statut de la littérature
et les questions qu’elle est propre à soulever vous taraudent
A l’oeuvre, Eric Laurrent, Flammarion
Ce détonnant portrait de Flaubert vous fera oublier l’austère visage de l’Ermite de Croisset ! S’intéressant aux années d’écriture de Madame Bovary, Eric Laurrent met en scène tant l’écrivain à sa table de travail, éternel insatisfait de lui-même, que l’homme jouissant des plaisirs de la vie, qui mettait la littérature au-dessus de tout et refusa toute espèce de compromission pour éviter le procès qui lui était promis… et qui accrut le succès de son roman !
Une sale affaire, Virginie Linhart, Flammarion
A qui appartient l’histoire ? Telle est la question centrale de ce livre qui fait le récit du procès intenté à l’auteure par sa propre mère pour empêcher la sortie de son précédent ouvrage. Au-delà de l’exposé précis qui en est fait, l’auteure souligne la ligne de crête extrêmement délicate de la mise en balance des principes sur lesquels se fondent notre société, liberté d’expression et protection de la vie privée, lorsqu’elles menacent d’entrer en conflit. Comment gérer ce conflit lorsque la nécessité d’écrire se fait pressante ? Mais aussi comment le témoignage intime éclaire-t-il des questions de société ? Un texte riche d’une réflexion pertinente.