Thibault de Montaigu
Plon, 2020
Prix de Flore 2020
Qu’est-ce qui peut bien mettre un homme jeune, ne jurant que par la vie nocturne, le sexe, l’alcool et autres paradis artificiels, sur la voie de la foi ? D’où vient la révélation ? Comment se manifeste-t-elle ?
J’avoue que ces questions me laissaient franchement indifférente, voire, venant d’un fils de bonne famille, un peu narquoise. Mais - grâce en soit rendue à la radio de service public - l’enthousiasme unanime des critiques du Masque et, surtout, une interview de l’auteur lui-même m’ont finalement incitée à m’y intéresser.
Car si l’auteur, par son milieu et son histoire, se situe à des années lumière de moi, ce que je l’ai entendu dire de la littérature rejoignait vraiment certaines des idées que j’en ai. A savoir que si le roman était le grand genre du XiXe et du XXe siècle, il avait aujourd’hui cédé la place à une forme de récit mettant l’expérience intime de l’auteur au coeur du processus d’écriture, et que de cet intime pouvait surgir une dimension universelle propre à toucher le lecteur.
Alors en quoi cette soudaine révélation de l’existence divine pouvait-elle atteindre la personne profondément athée que je suis ? Je ne demandais qu’à le découvrir…
Cette révélation n’est pas arrivée après une nuit de débauche, alors qu’une aube pâle surprenait celui qui s’en retournait chez lui dans l’espoir d’échapper à la terrifiante banalité des jours. Non, c’est un homme ayant déjà perçu l’abîme dans lequel il s’enfonçait qu’elle a surpris. Un homme marié et père d’un jeune enfant, un homme ayant « tout pour être heureux ». Mais qui ne l’est pas. Un homme s’interrogeant sur le sens de son existence, cherchant une raison de la poursuivre. Et qui à la faveur d’une quête, ou plutôt d’une enquête sur Xavier Dupont de Ligonnès qui avait subitement largué les amarres dans le sang et les larmes, en suivant ses traces dans une abbaye, qu’il s’est senti entrer en contact avec Dieu. Une expérience dont le caractère soudain et imprévisible l’amène à s’intéresser à l’un de ses oncles, Christian, dont le parcours semblait faire écho au sien.
C’est sur les pas de cet oncle disparu qu’il va désormais marcher. Pour retracer son cheminement de dandy ayant vécu une homosexualité à la fois cachée et totalement débridée avant d’entrer dans l’ordre des franciscains, le plus austère qui soit.
Thibault de Montaigu a interrogé sa famille, les amis et connaissances de son oncle, s’est rendu sur les lieux que celui-ci fréquenta, scrutant chaque détail de son existence pour en dessiner les contours le plus précis possible et tenter de répondre à la question qui le taraude : quel sens donner à ce retournement ? Quel sens donner à sa vie ? Et, finalement, quel chemin emprunter pour que celle-ci, aussi humble soit-elle, ne reste pas vaine ?
Une question que Thibault de Montaigu aborde et explore avec grâce et élégance. Une question que l’on se pose tous un jour ou l’autre, plus ou moins crûment, de manière plus ou moins vertigineuse, avec plus ou moins d’obstination. Non ?