Entretiens

samedi 24 février 2018

Une vie sans fin

Frédéric Beigbeder

Grasset, 2018



Me serais-je trompée sur le compte de Frédéric Beigbeder ? C’est une question que je me suis plusieurs fois posée et à laquelle je ne parviens décidément pas à répondre, tant il suscite en moi de sentiments contraires... Mais reconnaissons-lui au moins une chose : c’est un cas.  

Violemment irritée par l’histrion télévisuel, accablée par la piètre qualité de l’un de ses films - était-ce 99 francs ? -, je ne pensais pas pousser plus loin la découverte de ce personnage. Mais à ma grande surprise, j’ai été littéralement envoûtée par l’un de ses romans d’inspiration autobiographique, Un roman français, que le hasard avait mis sur mon chemin. Au point d’avoir tenté la lecture d’un autre de ses livres, Windows on the world, qui confirma le charme que l’écrivain exerçait sur moi. Contre toute attente, Frédéric Beigbeder y donnait libre cours à une sensibilité, voire une intelligence, que le personnage public prenait un malin plaisir à camoufler sous le masque d’une exaspérante désinvolture.

C’est donc confiante et pleine d’enthousiasme que j’entamai la lecture de son dernier opus, dont le sujet était plus qu’intrigant : pensez donc, Beigbeder en quête d’immortalité ! C’est que ce jeune père - quoique ayant découvert les joies de la paternité sur le tard -, confit d’amour pour sa fille, incapable de lui refuser quoi que ce fût, tétanisé devant l’angoisse que celle-ci exprimait de voir ses parents disparaître un jour, lui fit la promesse que la mort ne passerait pas par lui et qu’il serait le premier immortel de l’humanité. Après avoir pris un tel engagement, ne restait qu’à trouver les moyens de l’honorer...
De ce que j’avais pu entrevoir entre la quatrième de couverture et un rapide feuilletage du livre, l’écrivain explorait ce thème avec un humour réjouissant - quoique un peu potache, je vous l’accorde. En outre, je me suis très vite aperçue qu’il avait fait pour mener à bien son projet littéraire, sinon existentiel, des recherches assez poussées sur le transhumanisme et les derniers «progrès» en matière de lutte contre le vieillissement. 

Plutôt intéressant comme approche. Sauf que... voilà que le publicitaire friand de formules clinquantes avait repris le dessus. A défaut de Faust, j’avais le sentiment ici d’avoir plutôt à faire à Dr Jekyll et Mr Hide ! Où était donc passé l’homme sensible et sincère que j’avais débusqué dans ses précédents ouvrages ? 
Une déception d’autant plus grande que le motif se doublait de considérations sur la parentalité d’une terrifiante mièvrerie. Car la grande découverte de Beigbeder, au bout du compte, n’est pas le secret de la vie éternelle, mais celui du bonheur de regarder grandir ses enfants. Oh ! come on, Fred ! On n’en fait pas tout un livre, on garde ce type de considération pour soi, sauf à vouloir faire fuir ses lecteurs !

L’homme ayant du savoir-faire, j’ai néanmoins poursuivi ma lecture, concédant ici ou là un sourire. Et j’avoue que la fin ne m’a pas déplu. Le second degré l’emporte alors franchement et la représentation grandguignolesque des intelligences artificielles qu’il propose autour du personnage de sa fille ne manque ni de sel ni d’à-propos. 
Disons que Beigbeder aura réussi à me rattraper par la manche. Cela suffira-t-il à m’inciter à lire son prochain roman ? C’est bien possible...


Même si Laure souligne les mêmes défauts que moi, elle est beaucoup plus indulgente. Quant à Agathe, elle est littéralement sous le charme !



22 commentaires:

  1. Ah ah, le billet est enlevé en tout cas ! Et tu résumes bien "le cas Beigbeder". :)

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    1. Un cas difficile à cerner. Je crois vraiment qu'il a de l'esprit et du talent. Mais il surjoue tellement le personnage qu'il s'est créé qu'il exaspère toujours à un moment ou à un autre... Mais finalement, je crois que je l'aime bien, au fond. :-)

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  2. Ton billet est très amusant (j'imaginais bien Beigbeder en train de te rattraper par la manche !) et donne une bonne idée du roman (je pourrais te dire que ça m'évitera de le lire ... mais comme je n'en avais pas l'intention ;) ).

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    1. :-D
      Ça ne me surprend guère que tu ne veuilles pas le lire :-)
      D'ailleurs, la plupart de mes amis lecteurs semblent assez exaspérés par le bonhomme... comme je l'ai moi-même longtemps été ! Mais bon, il y a quand même chez lui quelque chose d'intrigant et de séduisant au final.

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  3. Je crois que ton billet est de ces cas où la chronique est meilleure que le roman en question héhéhé !

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    1. :-D
      Bon, je crois que je ne parviendrai pas à convaincre grand monde de lire ce livre, mais ce que tu dis me fait drôlement plaisir !

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  4. Peut-être peut-on aussi conclure de ton billet que Beigbeder sait se renouveler, changer de ton et de registre ? En tout cas, il surprend ses lecteurs, ce qui ne peut pas être mal. Quant à l'amour paternel, ces messieurs sont parfois basiques, c'est aussi ce qui fait le charme de cette émotion, peut-être plus "naturelle" chez une femme....

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    1. Je vois que tu as pris la précaution de mettre des guillemets à "naturelle"... car voilà qui pourrait ouvrir une discussion enflammée :-)
      J'aime bien ta façon très optimiste de considérer ce texte. Tu as raison en tout cas sur un point : Beigbeder n'est pas toujours là où on l'attend et je te rejoins, c'est un très bon point pour lui !

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  5. Le cas Beigbeder ? Je n'ai rien contre lui, il ne m'insupporte pas (je le précise car je sais qu'il a de nombreux détracteurs) mais je trouve que ses livres sont bien là où ils sont, sur les étagères des librairies ou celles des copines ! ;-)

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    1. Il suscite généralement des réactions très vives, en effet. Ce qui était mon cas... jusqu'à ce que je lise ses livres ;-)

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  6. Il m'exaspérait déjà et une fois, je l'ai vu à Saint-Germain-des-Prés, dans la rue. Le style, regardez-moi, admirez-moi, oui c'est bien moi le grand homme, ça n'a pas arrangé son cas ! Et le cinquantenaire qui découvre d'un seul coup les joies de la paternité après avoir fait tout et n'importe quoi, bof. Bon, tu as compris, ce n'est pas pour moi.

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  7. Le roman que tu as aimé m'a plus qu'exaspérée, pourtant je l'ai lu sans à priori ne connaissant pas vraiment le personnage. Depuis, je ne suis pas du tout tentée par ses romans.

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  8. Bigre ! Je m'attendais à une nouvelle déclaration d'amour envers cet écrivain (j'ai failli écrire "écrivaillon") et pas du tout ! Pour moi le cas B est très simple : c'est quelqu'un qui a gâché son talent et s'en est rendu compte sur le tard... Je lui reconnais de l'esprit mais il est trop exaspérant pour que j'ai envie de luire ses livres. (En plus au dernier Masque, il a démoli le roman de Paul Auster que j'ai tant aimé et je commence à en avoir marre de ces petits critiques-écrivains qui dénigrent ceux dont ils ne méritent même pas de cirer les chaussures !

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    1. Ouh là !!! Et toc, prends ça dans les dents ! :-D
      C'est sûr que lorsqu'on a un ego aussi démesuré que le sien, il faut s'attendre à ce genre de saillie !

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  9. Il m'irrite au plus haut point ce garçon, hors de question que je mette le nez dans l'un de ses bouquins ;)

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    1. Alors ça, comment dire... ça ne m'étonne pas du tout !
      :-))

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  10. C'est vrai que j'ai un peu du mal avec le personnage... J'avais lu 99 francs à une époque, et avais moyennement aimé.
    D'habitude je me fiche de savoir qui sont les auteurs que je lis (dans la vraie vie j'entends), mais lui on le voit tellement qu'on finit par cerner un peu le bonhomme... Et malheureusement il me déplaît assez pour me faire fuir ses livres. Sans regrets.

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    1. Tu es loin d'être la seule... Mais c'est dommage (pour lui), car il a commis quelques bons livres ;-)

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  11. Ohlala ta chronique m'a bien fait rire ! ce "come on Fred" m'a mise par terre. j'adore !

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    1. Tu m'en vois ravie ! J'avoue que je me suis pas mal amusée en l'écrivant, cette chronique-là !
      :-))

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