Abel Quentin
L’Observatoire, 2024
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » On se souvient tous de cette phrase prononcée en 2002 par Jacques Chirac. Force est de constater qu’en 2024, si nous avons très légèrement bougé la tête, notre regard n’a pas changé de direction. L’alerte ne date pourtant pas d’hier : dès le début des années 1970, un rapport avait ainsi été rédigé par une équipe de chercheurs d’une université américaine qui révélait les impacts de la croissance économique sur les ressources naturelles, en corrélation avec l’évolution démographique, et les conséquences écologiques qui en découlaient. Abel Quentin s’est inspiré de l’histoire des auteurs de ce rapport pour construire son nouveau roman et joindre sa propre voix à celles qui ne cessent de nous mettre en garde avec une urgence accrue.
Ainsi
fait-on connaissance dans la première partie du livre avec les jeunes auteurs
du « Rapport 21 » : le couple formé par les Américains Mildred et
Eugene Dundee, le Français Paul Quérillot et le Norvégien Johannes Gudsonn,
chacun d’eux répondant à un archétype. Les premiers sont les idéalistes qui,
une fois révélé l’inéluctable effondrement qui menace l’humanité, croyaient que
celle-ci allait réagir ; le deuxième incarne le cynique qui se fera débaucher
par une multinationale, et le dernier… eh bien je préfère vous laisser le découvrir
par vous-même !
C’est
la trajectoire des Américains et du Français que l’on suit dans la première
moitié du roman, tandis que plane l’ombre mystérieuse du Norvégien que ses
anciens collègues ont depuis longtemps perdu de vue. Exerce-t-il toujours une
activité ? Est-il même encore en vie ? C’est l’intervention d’un
jeune journaliste chargé d’écrire un papier sur le fameux brûlot à l’occasion
des cinquante ans de sa publication qui permettra d’en savoir plus.
Ce récit, qui s’inspire d’événements et de personnages réels –
mais qui prend avec eux de nombreuses libertés pour les besoins de la cause
romanesque –, ne peut évidemment que susciter l’intérêt des lecteurs. Abel
Quentin, qui s’était déjà attaqué à la radicalisation islamiste puis au wokisme,
s’y entend comme personne pour proposer des fictions sur les grandes questions
sociétales, en appuyant là où ça fait mal. En l’occurrence sur notre
aveuglement généralisé, notre refus à modifier radicalement nos modes de vie et
les fondements de notre économie – quand il ne s’agit pas tout bonnement de
continuer à foncer tête baissée dans le mur avec un cynisme effarant. De ce point
de vue, le roman est remarquable.
Mais, comme à la lecture du Voyant d’Etampes, je l’ai
parfois trouvé un peu bavard, notamment dans sa première partie. Son propos
incisif aurait selon moi gagné en efficacité – et en plaisir de lecture – si son
rythme avait été plus vif et son style plus mordant. Cela suffirait-il
toutefois à réveiller les consciences et à infléchir nos actes ? Rien n’est
moins sûr…
J'ai adoré Le voyant d'Etampes, lu assez récemment, et je compte bien lire celui-là, j'ai aimé le regard acéré et pourtant nuancé que porte l'auteur sur les thèmes qu'il aborde.
RépondreSupprimerIl y a toutes les chances pour que ce nouvel opus te plaise. Excellente lecture à toi.
SupprimerJ'ai beaucoup aimé ce roman et suivre les trajectoires si différentes des membres du groupe. Quel dommage qu'ils aient eu raison il y a 50 ans et que rien n'est été fait.
RépondreSupprimerOn se demande bien ce qu'il faudrait faire pour qu'un véritable virage soit pris...
SupprimerJe n'enlèverais rien pour ma part, au contraire, je sais gré à Abel Quentin de soigner la profondeur de champ :-)
RépondreSupprimerJe sais que tu es une inconditionnelle de la première heure ;-)
SupprimerLes avis sont assez contrastés sur ce roman. Je l'attendrai à la bibliothèque, sans urgence.
RépondreSupprimerAh bon ? Je n'ai vu que des éloges...
SupprimerQuelle plaie ces excès de bavardage !
RépondreSupprimerBon, après ça n'engage que moi ;-)
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