Entretiens

mercredi 13 septembre 2023

Cézanne, Des toits rouges sur la mer bleue

Marie-Hélène Lafon
Flammarion, 2023



Il y a deux manières d’aborder la figure d’un peintre. Soit on tâche de s’effacer pour livrer un récit plus ou moins fictionnel, tenter de composer un portrait ou de restituer tout ou partie de son existence ; soit on y cherche quelque chose qui renvoie à une expérience commune ou qui puisse faire écho à son propre geste créatif. Marie-Hélène Lafon s’inscrit clairement dans cette seconde démarche. Pour ce faire, elle a d’ailleurs inventé un verbe, cézanner. Cézanner : s’imprégner de l’espace que le peintre occupa, retrouver les sensations qui furent les siennes, laisser ses propres souvenirs personnels se frayer un chemin au contact des traces matérielles de l’existence de l’artiste et ouvrir ainsi ce chantier qu’elle rumine depuis plus d’une année et qui a acquis la force d’une nécessité. Cézanner : obéir à une pulsion irrépressible d’où sortira l’oeuvre.


C’est précisément cela qui est au coeur du texte de Marie-Hélène Laffon. Elle ne cherche ni à s’inscrire dans une chronologie ni à raconter la vie du peintre. Elle saisit des instants dont finit par jaillir une figure aux contours imprécis, mais pourtant d’une saisissante adresse. 


Sous sa plume, Cézanne n’a rien d’aimable et paraît comme étranger au monde qu'il habite et que seule la peinture semble lui permettre de saisir. Il est un être entièrement et inconditionnellement dédié à son art. Un individu sans repos, en quête perpétuelle de la forme ou de la couleur juste. Ce n’est pas une figure que cherche à restituer Marie-Hélène Lafon, mais un état. D’où peut-être le trouble relatif dans lequel elle plonge son lecteur.  


En dépit de sa brièveté, j’ai connu en lisant ce texte quelques moments d’impatience : j’avais l’impression que Cézanne m’échappait, que sa figure se dérobait sous les mots de l’auteure. Pourtant, au terme de ma lecture, il était bien présent, dans toute la force de son geste créatif. Quelque chose de l’ordre d’une présence impalpable dont il ne nous reste finalement que l’essentiel pour l’appréhender : une oeuvre singulière, unique, qui ouvrit une voie nouvelle et que l’on ne se lasse pas d’admirer.

2 commentaires:

  1. Je n'aurais pas attendu l'autrice sur ce thème-là, mais voilà qui est intéressant. Je l'attendrai à la bibli.

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    1. C'est le premier livre que je lis d'elle, mais je crois en effet qu'il est assez atypique dans sa production. Elle y révèle pas mal d'elle-même.

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