Entretiens

mercredi 19 août 2020

Nature humaine

Serge Joncour
Flammarion 2020

Prix Femina 2020



Opérer un retour dans les années 70 à 90 pour trouver les racines de tout ce que nous connaissons aujourd’hui en termes d’économie et d’environnement est un exercice qui peut apparaître tentant et à bien des égards pertinent. C’est ce à quoi s’emploie Serge Joncour dans son nouveau roman dont le titre, on s’en aperçoit très vite, peut s’entendre à double sens. Il y est en effet autant question de la propension de l’homme à exploiter inconsidérément les ressources dont il dispose jusqu’à les épuiser que de l’opposition entre vie urbaine et vie rurale.


Car c’est bien de ce hiatus qu’il s’agit. Alexandre est le seul garçon d’une fratrie de quatre enfants nés d’un couple de paysans. A ce titre, et parce que les filles n’auront d’autre idée en tête que de partir pour la ville, qu’il s’agisse de Villefranche, Toulouse ou Paris, il reprend l’exploitation agricole de ses parents, qui l’avaient eux-mêmes reçue de leurs aînés. 

Mais dans les années 80, on n’élève plus les vaches comme on le faisait autrefois : on doit voir les choses en grand, mécaniser, industrialiser, avoir recours à des produits phytosanitaires ! Et puis les mondes s’interpénètrent. Et s’il existe des poches de résistance, des individus tentant de s’organiser pour s’opposer à ce qui est présenté comme un progrès - l’avènement du nucléaire, notamment, mais aussi le développement des autoroutes qui viennent balafrer les campagnes - les cultures ancestrales et la vie rurale semblent inexorablement condamnées à disparaître.


Alexandre est à la croisée des chemins. Doit-il, et peut-il, tourner le dos au progrès ? Sa rencontre avec les amis de sa soeur aînée, Caroline, partie étudier à Toulouse, l’attirance qu’il éprouve pour l’une de ses colocataires allemande, farouchement hostile à tous ces développements qu’elle estime dangereux, instillent en lui le doute...


Tel un Jean-Jacques des temps modernes, Serge Joncour dresse un constat accablant et semble plaider pour un retour à la nature. Certes, le tableau n’est pas brillant et nous payons aujourd’hui très cher le prix de nos erreurs et de notre inconséquence. Et à poursuivre dans la même voie, nous courons assurément à notre perte. Suffit-il toutefois de condamner en bloc nos modes de vie et de prôner un retour à des pratiques ancestrales pour inverser le cours des choses ? Pour ma part, je n’en suis pas si sûre...


Ce roman n’en reste pas moins agréable à lire; il possède en outre un charme suranné, celui de l’évocation d’une France d’hier, d'une France que les moins de 20 (30 ?) ans ne peuvent pas connaître... Avec un petit coup de chapeau pour la fin, que j’ai trouvée particulièrement réussie !  


12 commentaires:

  1. Je n'en ai lu qu'un de cet auteur que j'ai trouvé agréable à lire, comme tu dis, sans plus. Et puis le discours du "c'était mieux avant" a tendance à m'agacer même si je pense aussi que l'agriculture intensive a fait plus de mal que de bien. Mais bon, je d'ivresse, je digresse.

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    1. Je suis un peu comme toi... Et de toute façon, aucune génération n'échappe au "c'était mieux avant", je crois...

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  2. Pourquoi pas, sans en faire une priorité ?

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  3. Il est dans la case ?, je ne sais pas encore si je le lirai ou pas. J'ai lu 2 romans de Joncour, avec pas mal de plaisir mais pas non plus un sentiment d'indispensable... A voir. Mais je ne m'attendais pas à ce que tu ouvres la RL avec lui. Tu me surprendras toujours ;-)

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    1. Mais j'espère bien te surprendre encore :-D
      Ceci étant dit, la raison de ce choix n'est due qu'à la date de sortie du livre. Je ne publie pas de chronique avant la sortie des livres. Celui-ci sortait le 19, quand beaucoup d'autres sortent... aujourd'hui ! De nouvelles chroniques en vue très bientôt, donc ;-)

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  4. Un auteur que je n'ai toujours pas lu. A emprunter à la bibli éventuellement, mais le sujet est un peu rebattu aujourd'hui .. on l'entend beaucoup cette petite musique là.

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    1. Oui... C'est bien pour ça que je ne suis pas d'un enthousiasme immodéré sur ce roman, même si j'ai pu en apprécier la lecture...

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  5. Le sujet est intéressant, mais je ne suis pas une grande fan de Joncour parce que, justement, je le trouve souvent un peu... suranné ;-)

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    1. Disons que ses romans sont souvent de facture très classique... Sauf L'Ecrivain national, qui était vraiment une réussite ! Mais je suis loin de les avoir tous lus...

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  6. je le lirai très probablement car j'aime beaucoup l'auteur :-)

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