Hannelore Cayre
Métailié, 2020
J’avais raté La Daronne, alors cette fois pas question de passer à côté du nouvel opus de cette auteure singulière ! D’autant que l’intrigue avait un pied dans notre époque et l’autre dans le XIXe siècle.
L’héroïne en est la descendante d’une famille avec nom à particule, Blanche de Rigny. Une famille prospère qui sut en son temps tirer le meilleur parti de la Révolution industrielle pour faire fortune. Mais Blanche appartient à une branche qui s’est peu à peu paupérisée... Ses revenus seraient même extrêmement réduits si elle ne les cumulait avec de menus trafics qu’elle a mis sur pied... Affligée d’un handicap, elle forme avec sa jeune fille Juliette et son amie Hildegarde, une grande bringue activiste de la cause animale, un trio bien peu conformiste... et bien peu raccord avec l’autre branche de Rigny, qui a quant à elle fait fructifier le patrimoine familial sans s’encombrer du moindre scrupule.
A la mort de son père, retournant dans sa Bretagne natale, Blanche se met en tête d’éclaircir le mystère de sa généalogie : le nom de Rigny ne fait en effet pas très couleur locale... Commence alors une enquête qui va faire alterner les chapitres contemporains et l’histoire d’un ancêtre pris dans la tourmente de la guerre de 1870 et de la Commune de Paris.
On comprend assez vite le projet de l’auteure (et si tel n’était pas le cas, elle met les points sur i dans une manière de postface) qui consiste à démontrer, en mettant en miroir deux générations d’une même famille que plus d’un siècle sépare, que le mur dans laquelle notre société est en train de foncer (et que l’on vient de se prendre en pleine face) trouve ses racines dans le capitalisme triomphant du XIXe siècle.
Ok. Je partage assez cette analyse qui n’a rien d’un scoop. Mais forte de ce constat, Hannelore Cayre bâtit son intrigue et sa démonstration avec la finesse d’un canon de la Garde nationale... Entre le cousin ayant acquis grâce à ses activités de recyclage de pétrole frelaté en pleine mer le charmant surnom de «gros enculé», la vieille tante hyperbotoxée et un brin dégénérée, la cousine anorexique se prenant pour une artiste et la petite Juliette prête à s’enchaîner à un arbre pour éviter qu’on ne l’abatte, disons qu’on ne fait pas exactement dans la nuance.
Alors c’est vrai que le tableau est amusant et que l’on ne s’ennuie pas. Et puis il est vrai aussi qu’il faut parfois savoir grossir le trait pour ouvrir les yeux de son auditoire... au risque de finir par décrédibiliser son propos si l'on ne se donne pas de limite.
Ceci étant dit, la peinture de la débâcle de 1870 et du Paris de la Commune est assez réussie, et les chapitres qui y ont trait sont ceux qui ont eu ma préférence. Et puis un roman qui fait apparaître la silhouette de Jules Vallès, fût-ce de manière furtive, ne peut être mauvais... n’est-ce pas !
Pas mon préféré de l'auteure, mais l'aspect historique était intéressant.
RépondreSupprimerOui, c'est ce que j'ai trouvé le plus réussi.
SupprimerIl t'a tout de même amusée, c'est déjà ça. Mais si tu as l'occasion de lire La daronne, même sans Jules Vallès, je pense que tu verras la différence :-)
RépondreSupprimerMerci Nicole, c'est noté ;-)
SupprimerJ'étais moins enthousiaste que la plupart des gens par rapport au premier roman de l'autrice. Mais je suis quand même curieuse de lire cet autre opus.
RépondreSupprimerDu coup, peut-être le préféreras-tu ?
SupprimerJe viens de le finir. Un roman divertissant, ni plus ni moins. C'est déjà pas cela dit, surtout après l'enchaînement de lectures décevantes que je viens de connaître.
RépondreSupprimerj'ai bien aimé, notamment la partie située en 1870, mais j'ai préféré de loin la Daronne (d'ailleurs, tu verras, si tu as l'occasion de lire ce livre, qu'il y a quelques similitudes entre Blanche et Patience, et entre les schémas narratifs des deux romans)
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