Entretiens

mercredi 13 novembre 2019

L’enquête


Juan Jose Saer

Le Tripode, 2019


Traduit de l’espagnol (Argentine) par Philippe Bataillon



Comment résister à une si belle couverture ? Parmi les dizaines de livres présentés sur les tables de la librairie dans laquelle j’étais entrée, celui-ci a immédiatement aimanté mon regard. Signé d’un auteur argentin que je n’avais encore jamais lu, je n’ai pas hésité longtemps avant de m’en offrir un exemplaire, en dépit des nombreuses lectures qui m’attendaient déjà...

Saer étant considéré à l’égal de Borges, je m’attendais avec cette intrigue policière dont l’inconscient semblait être le moteur, à un récit assez cérébral... Tellement cérébral, à vrai dire, que j’ai mis un certain temps à y entrer ! Pas moins de trois récits sont enchâssés, sans que le lien entre eux soit évident. Quoi qu’il en soit, c’est surtout l’intrigue principale qui a retenu mon attention : en plein Paris, dans le XIe arrondissement et plus précisément autour de la place Voltaire, un serial killer s’en prend à des vieilles dames qu’il mutile, viole et assassine avec la plus grande cruauté. Pas vraiment ma tasse de thé... Sauf que si l’auteur mentionne quelques effroyables détails pour les besoins de de son récit, il ne s’y attarde guère, et la nature même de son écriture instaure une distance qui prive le texte de tout caractère complaisant. 
Et puis, on parlait d’inconscient : ces détails sont indispensables à la résolution de l’énigme. Or, celle-ci s’est révélée assez étourdissante, avec des renversements plutôt inattendus ! 

Mais au-delà de la jouissance que peut procurer la résolution du mystère, c’est surtout la lecture que j’ai cru pouvoir en faire qui m’a intéressée. Ce récit ayant plusieurs étages, il est utile de préciser ici que la narration de ce fait divers est l’oeuvre d’un Argentin revenant dans son pays après plusieurs années. Or, la description qui est faite du meurtrier présumé, de l’autorité qu’il incarne et dont il use, de sa volonté de gagner la confiance de ses victimes avant de les torturer, sa cruauté, son caractère calculateur, la terreur qu’il fait régner, bref ce sentiment de toute-puissance et d’impunité qui émane du texte m’ont inévitablement amenée à y voir une métaphore de la dictature. J’y ai retrouvé ce climat oppressant et froid qui se dégage d’autres textes se situant plus explicitement sous de tels régimes.

Mais il s'agit sans aucun doute d'un récit complexe, ouvrant à différentes interprétations, un de ces textes qui invite à échanger les perceptions et les points de vue. Alors si l’un d’entre vous l’a lu ou envisage de le faire, j’aimerais vraiment pouvoir confronter ma propre lecture à celle d'autres lecteurs. Avis aux amateurs !


12 commentaires:

  1. Je le note parce que c'est exactement le type de roman qui m'attire, mais en ce moment je croule littéralement sous les livres !!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah oui, il est pour toi, celui-là ! (Et j'ai remarqué que tu avais retrouvé ton rythme de croisière :-)

      Supprimer
  2. Belle couverture en effet. Je n'hésiterai pas à le lire si je met la main dessus.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et elle est encore plus belle en vrai, tant la carte de couverture est bien choisie et la chromie parfaitement réussie ! Du travail d'artiste de la part de l'éditeur !

      Supprimer
  3. J'avais aussi repéré la couverture, et le nom (j'ai lu L'ancêtre, dans un genre totalement différent : un récit historique)... Yapluka, mais je croule aussi sous les lectures !

    RépondreSupprimer
  4. Comme Kathel, j'ai lu l'Ancêtre avec grand intérêt, conquise par la finesse de l'écriture. Il va être difficile de résister à celui-ci...

    RépondreSupprimer
  5. Le côté énigme me tente, mais l'aspect totalitaire beaucoup moins.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est une interprétation. L'énigme est fort bien menée.

      Supprimer
  6. Réponses
    1. Toujours pas fan de littérature latino-américaine ? ;-)

      Supprimer