Entretiens

dimanche 11 décembre 2016

J’ai longtemps eu peur de la nuit

Yasmine Ghata

Robert Laffont, 2016



L'autre Petit pays

Chaque rentrée, c’est la même chose : quelques romans se partagent les faveurs des médias et des lecteurs, au détriment de dizaines, voire de centaines d’autres, qui passent inaperçus. Petit pays, de Gaël Faye, qui évoque le conflit qu’a connu Rwanda, a ainsi été projeté dans la lumière et s’est trouvé dans les listes de plusieurs prix littéraires - ce qui est assez rare dans le cas d’un premier roman pour le souligner.
Hasard des calendriers éditoriaux, un autre livre est paru en même temps qui relate aussi l’arrivée en France d’un enfant ayant fui le conflit rwandais. Hélas, celui-ci n’a pas fait l’objet de la même attention, qu’il aurait pourtant méritée.

Arsène a douze ans. Il est orphelin. Ses parents et toute sa famille ont été massacrés dans son village. Poussé par sa grand-mère, lui seul a réussi à échapper à la mort certaine qui les attendait tous. Il vit désormais en France, adopté par un couple d’enseignants.
On découvre cet enfant à travers les yeux d’une femme, Suzanne, qui anime un atelier d’écriture dans la classe que fréquente à présent Arsène. Elle observe avec bienveillance ce jeune garçon à l’histoire qu’elle devine douloureuse.

Un objet. Les élèves vont devoir en choisir un, ancien, présent de longue date dans leur famille et qui en incarne peut-être l’histoire, qui porte en lui une valeur particulière. Ils devront alors remplir une fiche technique, sorte de carte d’identité de l’objet, avant d’expliquer les raisons de leur choix.
Mais Arsène n’a pas vraiment choisi. Tout est resté dans son pays d’origine. Tout, sauf la valise que lui avait confiée sa grand-mère pour fuir. Celle dans laquelle il a dormi lorsqu’il était dehors, celle qui l’a protégé des bêtes sauvages lorsqu’il était seul dans la savane, celle qui l’a protégé du froid lorsque la nuit tombait, celle qui renferme désormais les odeurs de son passé, celle qui le ramène chez lui lorsqu’il l’effleure, celle qui constitue  l’unique et dernier lien avec son enfance.
En choisissant ce thème, Suzanne voulait pousser les enfants à tirer le fil d’une histoire qui les conduirait au plus intime d’eux-mêmes. 

Avec beaucoup de patience, Suzanne aide Arsène à retracer sa douloureuse histoire, à y mettre des mots pour pouvoir mieux la mettre à distance et en apaiser les séquelles. Travaillant de très près avec l’enfant, elle en vient à effectuer elle-même ce travail de mémoire et à se souvenir de la mort précoce de son propre père. Les deux voix se mêlent ainsi, révélant avec une grande délicatesse le pouvoir libérateur de l’écriture.
En dépit des parcours douloureux qui se font peu à peu jour, il ressort de ces deux voyages intérieurs une impression apaisante et douce. Sans doute due aux vertus d’écoute et d’attention qui président à ce très beau récit.

Noukette a aussi été très touchée 





18 commentaires:

  1. Il est vrai qu'on a beaucoup plus parlé de "Petit pays" néanmoins je trouve malgré tout qu'il jouïe d'une bonne exposition (contrairement à d'autres qu'on ne voit même pas) en tout cas cela fait plusieurs fois que je m'arrête devant. Et après la lecture de ton article et l'écoute de ta lecture il est fort probable, qu'à l'occasion, je ressorte de la librairie avec ce roman sous le bras.

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    1. Je l'espère, il vaut vraiment la peine d'être lu.
      Quant à moi, je ne l'ai vu quasiment nulle part... Tu as dû être plus attentive que moi, c'est bien ;-)

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  2. Je ne l'ai pas beaucoup vu en effet, l'effet de loupe des medias sur quelques titres est vraiment ravageur. Je le note.

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    1. Heureusement, on peut parfois faire d'intéressantes découvertes grâce aux blogs ;-)

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  3. J'ai eu Petit pays en mains, mais ai hésité (ce livre est très très emprunté). Mais celui dont tu parles là, jamais vu, et pourtant il existe à la bibli (et j'ai noté!)

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    1. Et je suis sûre qu'il n'y a pas de liste d'attente pour celui-là, malheureusement...

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  4. Merci de l'avoir mis en valeur et en lumière. J'ai lu Petit Pays et ai été très touchée. Ce livre me plairait surement.

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    1. Je l'espère. Je n'ai pour ma part pas lu Petit pays, je ne peux donc pas comparer. Mais il est certain que celui-ci est très touchant.

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    2. Comme je te l'ai mis sur Instagram je me le suis procuré avant Noël et je l'ai lu et terminé hier.
      Sans surprise je l'ai beaucoup aimé. Je vais essayer de rédiger un billet ��.
      Merci encore!

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    3. J'en suis sincèrement ravie, Fanny ! Merci pour ton message. J'irai te lire à mon tour.

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  5. C'est vrai que c'est énervant parfois cette tendance à tous éclairer le même livre (même si Petit pays est un bon et beau livre, bien sûr), c'est vrai qu'on aimerait parfois que les journalistes profitent d'une mise en lumière pour rassembler des titres qui permettent d'explorer un même thème ou sujet en incluant des romans ou des récits qui ont moins de visibilité.
    C'est exactement ce que j'ai ressenti avec le Ghenassia sur Van Gogh, dont tout le monde parle alors que le livre de Marianne Jaeglé, Vincent qu'on assassine est dix fois meilleur...
    A nous de jouer alors, avec nos (très) modestes moyens mais notre (très) grand enthousiasme !

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    1. Bien dit !
      Malheureusement le cas est fréquent, en effet... Mais on veille, tu as raison ! Et avec le plus grand plaisir!!!

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  6. C'est vrai que ce livre n'est pas beaucoup mis en avant... aucune de mes bibliothèques ne l'a encore acheté... Heureusement que tu es là ! ;-)

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  7. Il m'attend et je m'en réjouis. Je pense qu'il me conviendra davantage que le très médiatique "Petit pays".

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    1. Le problème avec Petit pays, c'est qu'on en a tellement entendu parler qu'on a l'impression de l'avoir lu. En tout cas, on y a perdu le plaisir de la découverte...

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  8. Je n'ai toujours pas lu Petit pays mais ce texte là m'a beaucoup touchée !

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