Entretiens

dimanche 27 septembre 2015

La maladroite


Alexandre Seurat

Le Rouergue, 2015

Prix "Envoyé par La Poste" 2015
☀ ☀

Chronique d'une mort annoncée.

Je n’apprécie généralement pas beaucoup les formats courts. Je trouve que l’écrivain doit avoir une réelle maîtrise du récit et être doué d’un talent très particulier pour installer en quelques pages une atmosphère, camper la psychologie de ses personnages et proposer une intrigue efficace.

Alexandre Seurat, dont c’est le premier texte publié, possède de toute évidence ces qualités. Avec La maladroite, il retrace le calvaire d’une enfant maltraitée, morte à l’âge de 8 ans. 
Le sujet est plus que sombre : dramatique, dérangeant, douloureux. La faible pagination devient un atout : l’auteur ne s’appesantit jamais. Rien n’est tu pourtant des sévices que la petite Diana endure jour après jour et des traces que son corps en conserve.  
Seurat crée une forme hybride entre le récit et le théâtre où chaque témoin de l’affaire en donne alternativement sa perception : instituteurs, grand-mère, tante, frère, médecin scolaire, gendarmes... Rien n’est vu du point de vue de la fillette. On sait ses absences régulières à l’école ; nous sont rapportées les justifications précises - trop précises - qu’elle donne avec candeur pour chacune des marques, chacun des hématomes, chacune des brûlures que son petit corps présente. A la manière dont elle répond à ceux qui l’interrogent tour à tour, ainsi qu’à son comportement, on comprend qu’elle s’accommode de la place qui lui est dévolue dans ce qui reste malgré tout sa famille. C’est une place à part - elle a trois autres frères et soeurs qui ne reçoivent pas le même traitement - mais elle ne veut pas la perdre. Chaque miette d’un semblant d’affection parentale est une fête.

Ce qui est effroyable, c’est que chacun sait. Et c’est tout le mérite de ce livre. Seurat ne se contente pas de raconter un drame, ce qui pourrait mettre le lecteur dans une situation gênante de voyeur : il témoigne de l’échec à protéger une enfant. Il montre l’immobilisme d’une machine administrative. 

Ce que Seurat pointe du doigt, ce n’est pas une famille, c’est un système qui, s’il demeure en l'état, n’empêchera pas d’autres Diana de mourir. 
C’est cela qui fait froid dans le dos. 


Retrouvez aussi les avis d'Eimelle , Cathulu et Leiloona




28 commentaires:

  1. Moi aussi je préfère les formats longs. Mais ce texte-là je vais le lire, j'attends juste de pouvoir le faire sur une journée pour en profiter au mieux. Cette construction polyphonique me semble tout à fait intéressante pour à la fois n'incriminer personne en particulier mais dénoncer le comportement de tous.

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    1. Effectivement, si tu peux le lire d'une seule traite, c'est encore mieux. Ce livre est vraiment une belle réussite.

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    1. Si ce livre pouvait en faire réfléchir certains pour que les choses bougent... Mais c'est sans doute utopique.

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  3. Oui, voilà, exactement ... un système révoltant. Si jamais cela pouvait faire changer certaines lenteurs ...

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  4. Drame, format court, dérangeant ... je suis presque certaine que je vais l'aimer ce livre :-)

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    1. Et bien il ne faut pas hésiter, alors !
      Merci pour ta visite.

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  5. Je trouve que tu as eu du courage pour lire ce livre. J'ai lu plusieurs billets qui en parlent ainsi qu'une interview de l'auteur également et tout ça m'a fort perturbée...

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    1. A vrai dire, compte tenu du sujet, j'étais plutôt rétive au départ. Mais j'ai lu beaucoup de billets élogieux, et ma copine Céline qui l'a beaucoup aimé me l'a prêté... Je n'avais plus aucune raison d'hésiter !

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  6. J'ai déjà eu l'occasion de le dire ailleurs, je ne le lirai pas. Trente ans de carrière dans un service social m'a suffit côté dysfonctionnements en tous genres ; je préfère ne pas les retrouver dans un livre, même s'il est bon.

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    1. Oui Aifelle, j'ai vu ton commentaire l'un des billets vers lesquels je renvoie. Je te comprends parfaitement.

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  7. Comme Aifelle : je crois que je vais l'éviter celui-ci. Il y a des sujets auxquels je n'ai pas très envie de me confronter...

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    1. Je comprends très bien. Cela dit, c'est un livre sans pathos, le sujet est très bien traité.

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  8. c'est un livre qui me fait un peu peur, habituellement je ne suis pas friande des histoires d'enfants martyrs...mais le nombre de billets élogieux, et le fait que tu aies aimé, me pousse à le lire.

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    1. Je n'ai pas eu envie de le lire d'emblée : je n'aime pas du tout non plus ce type de sujet. Les billets élogieux et les circonstances qui ont fait qu'il m'a été prêté m'ont conduite à le lire... et je ne regrette pas ! Le traitement est tout à fait décent.

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  9. Rien ne presse, il n'est pas à la bibli.

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  10. mais tu n'en as pas fait un coup de coeur comme certains!

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    1. Non, en effet. Je crois malgré tout que le format y est pour beaucoup : pas eu le temps de m'immerger suffisamment pour que cette lecture s'imprime durablement en moi !
      Et puis, même si je trouve ce texte très habile, je n'ai pas eu vraiment de "révélation littéraire".

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  11. Je trouve ça bien que ça dénonce quelque chose, un système si l'on veut, mais je ne suis pas du tout attirée, surtout pas par un format court qui risque de me paraître trop chirurgicale je pense. Ce n'est pas le genre de sujet qui me tente en ce moment.

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    1. Ce n'est effectivement peut-être pas ce qu'il te faut en ce moment...

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  12. Je me suis promis de lire et ça finira par arriver, pas possible autrement.

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    1. C'est sûr que là, ça finit par faire beaucoup d'avis convergents ;-)

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  13. Oui, il est glaçant ce premier roman... Je tire mon chapeau à l'auteur, vraiment...!

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  14. Je suis persuadée qu'il n'est pas pour moi.

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