Entretiens

mardi 3 septembre 2024

Les œuvres intérieures

Charlotte Augusta
Denoël, 2024


Gabrielle a récemment été recrutée par la Fondation. Dépendant de l’Entreprise, celle-ci a pour vocation d’acquérir des oeuvres d’art et d’organiser des expositions. L’atmosphère y est feutrée, l’environnement d’une glaciale sobriété et le rythme de travail plus que soutenu. Le PDG, élégant et cultivé, suscite l’admiration de Gabrielle. Pour cette jeune femme, intégrer une telle structure et évoluer dans le monde de l’art est la concrétisation d’un rêve. 


Pourtant, ce sentiment de félicité laisse rapidement place à une forme de malaise diffus dont elle identifie toutefois quelques-unes des sources : le tutoiement obligatoire, tout d’abord, qui prétend abolir avec ses supérieurs une distance que ceux-ci ne cessent par ailleurs de signifier ; la totale disponibilité qui est exigée d’elle et qui impacte sa vie personnelle ; et surtout la disparition soudaine de l’une de ses jeunes collègues avec laquelle elle s’était liée d’amitié et qui lui avait fait part des difficultés relationnelles qu’elle entretenait avec sa « N + 1 ».


C’est bien la violence exercée par l’environnement professionnel qui est au coeur de ce roman : les faux-semblants, l’oppression qu’implique une relation hiérarchique, la pression - plus ou moins acceptée - qui s’exerce à tous les niveaux de l’organigramme et qui remodèle les individus. 


L’entreprise et les protagonistes ne sont pas présentés de manière précise, comme s’ils étaient interchangeables - ce dont témoignent les termes employés pour les nommer. Ce choix participe de l’atmosphère très désincarnée qui se dégage du texte, l’accent étant ainsi mis sur la déshumanisation, rappelant certains films tels que Metropolis ou Bienvenue à Gattaca, ou encore la récente série Severance. 


Si cette dimension du roman est très réussie, le traitement réservé à la principale protagoniste a cependant échoué à me convaincre. L’auteure voulait-elle représenter le doute et la confusion qui la gagnent progressivement ? On peine parfois à suivre le cours de ses pensées, qui mêle passé et présent, la situation qu’elle est en train de vivre et des réminiscences de sa mémoire ou ce qu’elle imagine qui pourrait advenir. Si l’objectif était d’installer le lecteur dans un état de perte de repères, de le désorienter à l’instar de son héroïne, alors l’auteure a gagné son pari. Mais il en reste pour moi un goût d’inachevé que l’issue du roman n’aura pas réussi à lever.




6 commentaires:

  1. Le sujet était intéressant, mais ce goût d'inachevé me fait hésiter.

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    1. Peut-être tomberas-tu sur d'autres avis plus convaincants ?

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  2. Le thème m'intéresse, celui de la pression subie au travail et effectivement je trouve intrigant de le voir traité dans l'univers artistique... A voir alors. Je l'ai noté mais pas tout en haut de la liste ;-)

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  3. Tu n'es pas assez convaincue pour que je le note et il y en a pas mal d'autres qui me tentent dans cette rentrée.

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