Entretiens

lundi 29 mai 2023

Guyanes

Jean-Paul Delfino
Héloïse d’Ormesson, 2023



Jean-Paul Delfino s’était fait connaître en 2005 avec un formidable roman mettant en scène un jeune Marseillais parti dans les années 1920 tenter l’aventure à Rio. Après le succès de Corcovado, ce sont rien de moins que huit titres qui avaient vu le jour pour composer une vaste fresque du Brésil de la fin du XVIIe siècle à celle du XXe. C’est dire si la veine historique et le roman d’aventure constituent la marque de ce fertile auteur. Depuis quelques années, il avait cependant un peu délaissé le genre pour se tourner vers des romans au format plus réduit et aux horizons moins lointains.


Il revient aujourd’hui avec un épais roman qui renoue avec sa manière originelle. On y est en effet projeté en Guyane dans les années 1870, où le destin de plusieurs personnages va converger : celui de Clara, envoyée au bagne pour être montée sur les barricades de la Commune ; d’Alphonse de Saint-Cussien, un homme dénué de scrupules fuyant la France pour échapper à ses créanciers ; et de Mané, un esclave étant parvenu à s’évader du Brésil pour conquérir sa liberté. 


D’un chapitre à l’autre, Delfino nous raconte les histoires bien différentes de ces personnages, qui finissent par s’entrecroiser pour brosser un tableau extrêmement vivant de ce territoire qui connut un développement tout à fait singulier, puisque la France en fit une véritable colonie pénitentiaire. Dans des bagnes réservés les uns aux hommes, les autres aux femmes, c’est tout une population de criminels plus ou moins dangereux, récidivistes ou non, mais aussi de prisonniers politiques, qui fut ainsi refoulée de la métropole pour être parquée dans des conditions insoutenables. 


Jean-Paul Delfino est un grand amoureux de la Guyane, qu’il arpente régulièrement jusque dans ses recoins les plus reculés depuis de très nombreuses années. C’est sur cette connaissance intime et son attachement profond à l’égard de cette terre qu’il a fondé l’écriture de ce roman. Comme il le fait toujours, il s’est également appuyé sur un scrupuleux travail de recherche et de documentation. Il nous offre ainsi une nouvelle saga au romanesque assumé, riche de personnages hauts en couleurs, pour nous raconter l’histoire méconnue d’une lointaine région de la France et les dessous de la politique coloniale de cette dernière. 


A l’instar de Corcovado, ce roman inaugure-t-il un cycle plus large nous invitant à découvrir plus précisément encore cette Guyane que l’on connaît surtout pour le centre spatial qu’elle abrite à Kourou ? L’avenir nous le dira. En ce qui me concerne, ce ne serait pas pour me déplaire…



  





5 commentaires:

  1. J'ai apprécié "Assassins", certes pas aussi dépaysant que la Guyane mais réussi.

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    1. J'avais adoré Assassins. J'avais d'ailleurs rencontré l'auteur à cette occasion et publié l'entretien qu'il avait bien voulu m'accorder. C'était très intéressant : cet auteur est à la fois quelqu'un de passionné et qui se documente avec très scrupuleusement.

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  2. Je n'ai pas lu de manière approfondie sur l'histoire de la Guyane. Ce pourrait être l'occasion de m'y mettre (belle couverture).

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    1. J'ai eu l'occasion d'entendre l'auteur à l'occasion du lancement de son roman. Il disait justement qu'il n'y avait quasiment pas de roman sur la Guyane et qu'il a écrit le roman qu'il aurait aimé lire...

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  3. Un auteur que je ne connais pas. Ni la Guyane, d'ailleurs.

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