Sibylle Grimbert
Anne Carrière, 2022
Peut-on se lier d’amitié avec un pingouin ? C’est l’histoire insolite qu’a imaginée Sibylle Grimbert, nous entraînant dans l’Islande de la première moitié du XIXe siècle.
Gus est un jeune scientifique envoyé aux confins de l’Europe du nord par le Museum d’histoire naturelle de Lille pour y étudier les espèces animales et en rapporter quelques spécimens - morts ou vivants.
Alors qu’il assiste au massacre d’une colonie de grands pingouins perpétré par des marins avides de déguster leur chair, il parvient à en sauver un. En attendant de le ramener en France, il observe son comportement et en fait de nombreux croquis. Mais, sorti de son environnement, l’animal se recroqueville et semble perdre sa vitalité naturelle. Gus tente d’effectuer les gestes qui lui redonneront son allant : lorsqu’il lui verse de l’eau sur le corps, l’animal se redresse et déploie ses membres. Il l’emmène alors se baigner dans la mer, le maintenant toutefois captif au moyen d’une corde. Peu à peu se noue entre eux une relation singulière : la méfiance mutuelle laisse place à une forme de complicité et d’affection qui ne veut pas dire son nom. Le temps passe, et Gus ne peut plus se résoudre à se séparer de celui qu’il nomme désormais Prosp.
Car Gus se sent une responsabilité particulière à son égard. Une responsabilité supérieure à celle qu’il éprouvera plus tard pour sa femme et pour les enfants qu’ils auront ensemble. il apparaît en effet de plus en plus clairement au fil des mois puis des années que Prosp est le dernier représentant de son espèce. Pour Gus, il ne fait pas de doute que ce sont les hommes et leur inconséquence qui en sont la cause. Des images de la sauvagerie avec laquelle ces derniers se sont attaqués aux pingouins lui reviennent en mémoire, tandis que les derniers progrès de la recherche viennent confirmer que le monde n’est pas immuable et que des espèces entières peuvent disparaître. Or le jour où Prosp mourrait à son tour, c’est une partie du monde et de sa plénitude qui seraient irrémédiablement perdue.
Avec Le dernier des siens, Sybille Grimbert signe un conte sur l’extinction des espèces et le rôle déterminant joué par l’homme dans ce phénomène. Un bouleversement difficile à percevoir - surtout lorsqu’on se refuse à l’admettre. L’ultime victime de la rupture des équilibres naturels est pourtant bien l’humanité elle-même dont l’existence finit à son tour par être menacée. C’est ce que s’attache à mettre en lumière l’auteure, qui s’est appuyée sur une riche documentation, comme elle s’en explique dans une note finale : une démonstration qu’elle a su mettre en scène dans une fiction aussi originale que délicate.