Entretiens

vendredi 2 septembre 2022

Supermarché

José Falero
Métailié, 2022


Traduit du portugais (Brésil) par Hubert Tézenas



Ancrer son récit dans une favela, c’est faire face à la misère et à la violence, promesses de pages d’une noirceur absolue. José Falero, lui-même né dans l’un de ces quartiers de Porto Allegre, a pourtant fait un choix bien différent pour en décrire les conditions de vie. De survie, devrait-on plutôt dire. 


Pedro, comme tous ses compagnons d’infortune, ne rêve que d’une chose : mener une vie meilleure, pouvoir s’offrir tous les biens de consommation dont regorge le supermarché dans lequel il est employé pour une bouchée de pain. D’autant qu’il a lu Marx et qu’il a sur le travail et le partage des richesses des idées très précises. 

Lorsqu’il fait la connaissance de Marques, embauché pour effectuer les mêmes tâches que lui, se noue aussitôt entre eux une franche complicité. Tous deux passent des heures cachés dans la réserve à se gaver de confiseries en devisant de la société et de l’inégale répartition des fruits du travail. Tel le maître à son disciple, Pedro lui enseigne d’une manière toute personnelle les préceptes du Capital, et le convainc de la nécessité de trouver le business qui leur permettra d’engranger un profit à hauteur des efforts fournis. C’est Marques qui aura la bonne idée : si les favelas sont infestés de trafiquants de cocaïne et d’héroïne, la vente d'herbe reste un créneau inexploité. La demande est pourtant forte ! Ni une ni deux, les voici lancés dans une affaire qui va se révéler tout à fait florissante, et le lecteur entraîné dans un récit aux accents rocambolesques.


Derrière le ton résolument frivole qu’il adopte, José Falero relate pourtant une réalité qui n'a rien de tendre et à laquelle il semble impossible d’échapper - ce que le retentissant dénouement ne manquera pas de rappeler. Mais en donnant à son récit des accents tragi-comiques, il parvient à rendre ses personnages attachants - et jusqu’aux plus effroyables d’entre eux. Il permet surtout au lecteur d’entrer dans cet univers d’une extrême violence sans résistance ni préjugé, ce qui est une remarquable prouesse.

11 commentaires:

  1. Le billet d'Antigone m'avait déjà tentée ; tu en rajoutes une couche.

    RépondreSupprimer
  2. Tiens, pourquoi pas? Et comme je lis peu de romans de ce coin là...

    RépondreSupprimer
  3. Comme Aifelle, je l'ai déjà noté grâce à Antigone et tu confirmes. Il serait parfait pour le mois de la littérature sud-américaine (ou à tout autre moment, après tout!)

    RépondreSupprimer
  4. Deux avis enthousiastes sur ce roman, je le note, forcément.

    RépondreSupprimer
  5. Oui déjà vu aussi chez Antigone et noté !

    RépondreSupprimer