Entretiens

dimanche 18 septembre 2022

Les gens de Bilbao naissent où ils veulent

Maria Larrea
Grasset, 2022


Prix du Premier roman 2022



« Comment s’est passée ma naissance ? » Voilà bien une question que l’on s’est tous posée un jour ou l’autre. Lorsque Maria, la narratrice du livre, interroge sa mère, elle n’obtient qu’une réponse évasive. La voici donc réduite à imaginer. Pour une jeune femme qui se destine à la réalisation cinématographique, tous les scénarios sont possibles. Mais pour écrire le bon, il va lui falloir remonter le fil de sa généalogie et reconstituer l’histoire de ses parents.


Ni Victoria ni Jesus n’ont connu une enfance facile. En quelques pages, la narratrice nous présente ces deux gamins ayant poussé tout seuls, l’un à Bilbao, l’autre en Galice. Lorsqu’ils se rencontrent, au sortir de l’adolescence, sans doute se reconnaissent-ils immédiatement. Ils s’embrassent et, quelques semaines plus tard, ils sont mariés. L’Espagne est encore sous la coupe de Franco. Le couple s’installe à Paris, où Victoria fait des ménages, tandis que Jesus trouve une place de gardien au théâtre de la Michodière. 


C’est à l’étage, dans le deux-pièces exigu et privé de salle de bains qui constitue l’appartement de fonction, que Maria grandit. Il suffit de quelques scènes, de quelques souvenirs, pour donner corps à cette petite fille : choyée, elle ressent néanmoins le décalage qui existe entre elle et ses camarades d’école qui vivent dans une aisance bien supérieure à la sienne. Entre un père souvent aviné et une mère qui peine à maîtriser le français, Maria va connaître une adolescence chaotique que seul, peut-être, le travail sur ses origines permettra de panser et de dépasser.


Encore un livre qui, sous couvert de secrets familiaux, va nous infliger la complainte d’une auteure autocentrée, pensez-vous ? Eh bien détrompez-vous. Ce récit est empreint d’une belle énergie. Maria Larrea ne s’attarde pas sur les fêlures. Sa narratrice va droit au but, quitte à bousculer son entourage et s’en trouver elle-même groggy. Dans un style très direct - mais jamais relâché -, elle fait de son histoire une flamboyante épopée et révèle toute l’ambivalence du lien qui unit parents et enfants. Et révèle ainsi une plume fort prometteuse.

9 commentaires:

  1. Tout à fait d'accord avec toi, tu sais bien que je ne suis pas trop cliente de l'auto-fiction, mais là, le ton m'a vraiment séduite.

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    1. Contrairement à toi, tu le sais aussi, l'autofiction m'intéresse. Mais loin d'être uniforme, elle offre une vaste palette, ce qui rend à mes yeux ce genre d'autant plus passionnant.

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  2. Je me méfie de plus en plus de ces romans à forte teneur autobiographique qui n'apportent pas grand chose, mais heureusement il y en a d'une autre veine. Celui-ci à l'air d'en faire partie, je note.

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    1. C'est comme tout, il y a ceux qui ont du talent et ceux qui "surfent" sur une vague. Ce récit n'a rien de complaisant et a en outre le mérite de ne pas s'étirer en longueur. Selon moi, il vaut vraiment la peine d'être découvert.

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  3. je viens de lire un avis qui me donnait envie, tu confirmes!

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  4. J'ai tellement lu de romans autobiographiques ces temps-ci... mais je sens que si je craque, ce sera pour celui-là.

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