Collectif
Sous la direction d’Olivier Guez
Grasset, 2022
Vous vous sentez européen(ne), vous ? Moi,
si on me pose la question, je réponds « oui ». Sans hésiter. Mais sur
quoi ce sentiment se fonde-t-il ? Ma langue, mes habitudes, ma culture, me
définissent avant tout comme française. Cette identité-là s’incarne quotidiennement
dans mes paroles et dans mes gestes. Alors, être européen, qu’est-ce que c’est
?
L’Europe, ce sont des contours géographiques, une monnaie commune, un marché économique, des institutions. Certes. Mais comment cet ensemble peut-il réellement fonctionner s’il ne s’appuie pas sur de solides fondations ? C’est-à-dire sur un socle culturel partagé, sur une dimension sensible et affective, en somme, plutôt que sur des organes exclusivement administratifs ?
A l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, Olivier Guez a demandé à 27 écrivains - un par Etat membre - d’écrire un texte dont la seule consigne était « de relater un lieu qui évoquerait un lien de leur pays avec la culture et l’histoire européennes ». Il en résulte un recueil tout à fait passionnant qui permet d’entrevoir ce que, du point le plus septentrional de la Finlande à un village de Malte et de l’extrême est de la Lettonie à ce cap portugais où finit la terre, nous pourrions avoir en partage.
Ce qui est frappant, à la lecture de cet
ouvrage, c’est de constater combien l’histoire de ce continent s’est écrite sur
des drames. Les souffrances dues aux deux grandes guerres et à la Shoah sont
encore très vivaces dans les esprits, et les lieux qui en recueillent la
mémoire, omniprésents. Sans oublier l’esclavage, ainsi que le rappelle la
Portugaise Lidia Jorge, et le commerce triangulaire grâce auquel certains pays
purent autrefois prospérer. Nombre d’auteurs s’en font l’écho.
D’autres évoquent un patrimoine commun, qu’il s’agisse du pain dont la narratrice de la nouvelle signée par l’Espagnol Fernando Aramburu se rappelle avec émotion avoir goûté toutes les variétés à l’occasion de ses voyages, ou des mouvements artistiques qui se sont mutuellement inspirés, à l’instar des peintres danois croqués par Jens Christian Grøndahl qui, à la fin du XIXe siècle, vinrent découvrir à Paris une autre manière de travailler la couleur.
Evidemment, le point de vue varie selon que l’on a affaire à un auteur solidement ancré dans son pays d’origine ou à un autre ayant sillonné le continent, vivant tantôt ici, tantôt là. Le Suédois Björn Larsson est de ceux-là, qui voit davantage de points communs entre deux pêcheurs officiant l’un au Guilvinec et le second dans un petit port danois qu’entre un citadin de Paris et un autre de Copenhague : leur métier et leurs expériences les rapprochent.
Dans un recueil de nouvelles, et plus
encore lorsque celles-ci sont l’œuvre de différents auteurs, les textes peuvent
paraître inégaux. Aussi chaque lecteur sera-t-il plus réceptif à l’un ou à
l’autre. Olivier Guez a néanmoins su dégager quelques lignes de force
permettant de donner de la cohérence à cet ensemble.
En ce qui me concerne, je dirais que les
textes qui m’ont paru les plus intéressants sont les plus personnels, ceux qui
relèvent d’une expérience ou d'une perception intime de l’espace qu’il s’agissait
de circonscrire. Je regrette que certains auteurs aient opté pour un ton plus
distancié, tenant davantage de la notice historique que du récit original et
singulier. Mais heureusement, ceux-ci sont minoritaires.
En revanche, j’ai fait quelques belles
découvertes, en premier lieu Larsson – qui, je l’ai appris en me baladant sur
le Net, a traduit Vallès ! – dont j’ai fort apprécié la qualité d’analyse et la
finesse du propos. Ces lectures m’ont donné une furieuse envie de faire plus
ample connaissance avec des auteurs dont je n’avais même jamais entendu parler
! Là n’est pas la moindre des qualités de ce livre excellemment préfacé par Olivier Guez, qui présente un large
panorama d’une littérature européenne. Un formidable point de départ pour voir
enfin palpiter le cœur de notre Europe !
Ah mais voilà qui est fort intéressant. Je n'avais pas vu cette sortie, je note. Il y a toujours du bon à prendre dans les ouvrages collectifs, même s'il y a quelques textes plus faibles.
RépondreSupprimerDes textes plus forts que d'autres, oui. Mais tous contribuent à cerner une identité européenne. Et c'est vraiment ça qui est intéressant.
SupprimerJe me sens plutôt européenne aussi, et je pense que je pourrais aimer ces nouvelles...
RépondreSupprimerMoi qui n'apprécie pas tellement les nouvelles, d'habitude, là j'ai trouvé ça tout à fait passionnant !
SupprimerMerci pour cette mise en lumière. Je note.
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