Entretiens

jeudi 13 janvier 2022

Par la forêt

Laura Alcoba
Gallimard 2022



Il est des histoires si effroyables qu’elles ne nous paraissent pouvoir être appréhendées que par la voie des contes et des mythes. Mais lorsqu’elles s’imposent à nous, lorsqu’elles s’incarnent dans la réalité, il faut alors faire face à l’effroi et à l’incompréhension. En effet, comment admettre l’existence d’un acte aussi inconcevable que l’infanticide, surtout s’il est commis par une mère aimante ?


Peut-être, d’ailleurs, cela ne s’explique-t-il pas ? Peut-être doit-on se contenter d’approcher ce que l’on ne sait parfois même pas comment nommer. Drame ? Accident ? Tragédie ? 

Plus de trente ans après les faits, la narratrice revient sur le douloureux événement dont elle a personnellement connu les protagonistes. Assise dans un café où elle leur donne tour à tour rendez-vous, elle recueille la parole et les souvenirs de Griselda qui noya ses deux petits garçons, de leur soeur Flavia qui fut sans doute épargnée parce qu’elle se trouvait alors à l’école, ainsi que de quelques autres témoins. 


Que s’est-il passé ce jour-là dans la tête de cette femme ? La narratrice retrace son histoire, depuis son enfance dans la pampa argentine à son arrivée à Paris, où elle avait fui la dictature avec son amant, qui deviendrait le père de ses enfants ; elle écoute et confronte les différents témoignages avec les bribes de ses propres souvenirs, qui ont déserté sa mémoire.


Cela pourrait être scabreux… mais non. C’est un livre étonnamment doux. Sa force, il la tire de ce qu'il ne cherche pas à expliquer, à justifier ce qui ne peut l’être. Jamais la narratrice n’émet le moindre jugement. Elle fait au contraire preuve d’une extraordinaire pudeur, d'une immense bienveillance, oserais-je dire si ce mot n’était aujourd’hui aussi galvaudé. C’est précisément cette délicatesse, si coutumière de l'écrivaine, qui donne tout son prix à ce texte impressionnant, qui fait jaillir la lumière des ténèbres.





  

10 commentaires:

  1. Un thème qui fait froid dans le dos tellement il est contre nature, mais voilà, ça existe. Pourquoi pas, s'il croise ma route.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Un sujet très dur, très perturbant. Mais un livre tout en retenue.

      Supprimer
  2. Le nom de Laura Alcoba ne m'est pas inconnu, j'ai lu deux de ses précédents ouvrages et nul doute qu'elle ait su rester délicate avec ce sujet si dur.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, c'est vraiment une écrivaine d'une très grande délicatesse.

      Supprimer
  3. Ton avis me donne envie de découvrir ce roman.

    RépondreSupprimer
  4. un billet tentateur ! C'est quand même hyper tendance de mettre "forêt" dans le titre de son roman :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah bon ? :-D En tout cas, là, c'est tout à fait cohérent avec le texte.

      Supprimer