Entretiens

jeudi 20 janvier 2022

La fille parfaite

Nathalie Azoulai

POL, 2022



D’un côté, les littéraires ; de l’autre, les scientifiques. Deux manières d’envisager le monde, deux conceptions qui s’opposent. 

D’un côté, il y a Rachel, dont la famille ne jure que par Proust ; de l’autre, Adèle, élevée dans le culte des maths. Pourtant, entre ces deux-là, l’attraction est immédiate. Naît alors une amitié exclusive, comme seules l’enfance et l’adolescence en font éclore. 

Lorsque arrive le temps des orientations scolaires, Rachel, au grand dam de ses parents, choisit de suivre les pas d’Adèle. Las, elle doit redoubler d’efforts pour résoudre les équations que son amie aborde comme un jeu. A quelques semaines du bac, elle cède à ses aspirations profondes et ne trouve rien de mieux à faire que de se plonger dans La Recherche. Dès la rentrée, elle rentrera au bercail avec une filière littéraire, opérant ainsi une première rupture avec son amie.


Au fil des années, les deux jeunes femmes s’éloignent l’une de l’autre et poursuivent leur chemin. Pour Rachel, il y a une certaine évidence à devenir une écrivaine reconnue. Adèle doit quant à elle s’imposer dans un monde d’hommes. La scission entre littéraires et scientifiques se double de celle entre femmes et hommes. A chacun ses compétences, la sensibilité d’un côté, la raison de l’autre. Mettre ces idées reçues à mal est un horizon si difficile à atteindre… Adèle s’épuise à assumer et sa féminité et la nature de son talent.


Sous la plume de Nathalie Azoulai, dépasser cette dualité semble impossible puisque le parcours d'Adèle se solde par un suicide. L'impasse est inéluctable : le roman s’ouvre en effet sur la mort de la jeune femme, et le récit ne sera que celui du cheminement qui y conduit. 


Le thème de ce roman est extrêmement intéressant et à n’en pas douter pertinent. Résolument littéraire moi-même, j’ai connu les classes puis les amphi constitués quasi exclusivement d’une population féminine - sans parler du monde de l’édition qui ne fait que perpétuer ce déséquilibre. J’ai pourtant été gênée par cette représentation binaire et sans nuance qui ne fait qu'entériner les stéréotypes. Certes, peut-être faut-il parfois grossir le trait pour se faire comprendre et la réalité est-elle parfois grossière. Mais un tel sujet mérite selon moi une réflexion plus fine. Surtout si l’on souhaite casser les systèmes de représentations dont nous sommes tous plus ou moins captifs afin de permettre à chacun d’exprimer ses talents en dehors de toute question de genre. 




      

10 commentaires:

  1. Je ne suis pas très tentée par le thème et ton billet ne m'incite pas à changer d'avis.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est sûr, on ne peut pas dire que je sois très incitative, sur ce coup-là...

      Supprimer
  2. Hum, je me souviens au lycée j'ai failli suivre une copine en section littéraire. mais bon, les maths m'appelaient... ^_^ ce roman m'a l'air plein de stéréotypes, je crois me souvenir qu'en amphi on etait nombreux et nombreuses..;

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. oui, c'est dommage car le sujet est intéressant et on ne peut pas nier qu'il y ait un problème de représentations de genre dans ces domaines. Mais, justement, il y a peut-être une autre manière de nourrir la réflexion que de pérenniser les stéréotypes...

      Supprimer
  3. J'avais bien aimé : Titus n'aimait pas Bérénice, alors pourquoi pas.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'avais adoré Titus n'aimait pas Bérénice. Hélas, les textes suivants de l'auteure - du moins ceux que j'ai lus - me laissent sur ma faim.

      Supprimer
  4. J'étais plutôt tentée sur le papier malgré comme toi ma déception post Titus... mais ta tiédeur me refroidit un peu. Je verrai...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je n'arrive pas à retrouver la finesse et l'éclat de cette première lecture. Je ne suis pas sûre de retenter la lecture de cette auteure à l'avenir.

      Supprimer
  5. ça ne me tente pas tellement... Mes collègues de maths ne sont que des filles ! Par contre, j'aimerais découvrir cette autrice un jour.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah mais peut-être es-tu prof, ce qui induit un biais... puisque l'enseignement est plutôt réservé... aux femmes. Du moins l'enseignement des premiers cycles, le supérieur étant davantage digne de la gente masculine ! :-D Bon, je rigole, même s'il y a un fond de vrai, les choses ne sont pas (plus ?) aussi nettes que cela, et tu en apportes le témoignage.
      Et sinon, je te conseille Titus n'aimait pas Bérénice, absolument formidable.

      Supprimer