Amina Damerdji
Gallimard, 2021
Connaissiez-vous Haydée Santamaria ? Non ? Eh bien moi non plus. Mais on le sait bien, la révolution est une histoire d’hommes, écrite par des hommes, et celle de Cuba n’échappe pas à la règle. Sans doute fallait-il une femme pour rendre à l’une des protagonistes du mouvement du 26-Juillet la place qui lui revient.
Le 26 juillet 1953, en effet, Haydée Santamaria prit les armes pour participer à l’assaut de la caserne de la Moncada, qui, même s’il se solda par un échec, fut l’un des événements clé de la révolution cubaine qui éclata six ans plus tard. La jeune écrivaine fait de ce moment fondateur le point d’orgue de son roman et nous raconte, à travers le cheminement de son héroïne, les origines de ce retentissant bouleversement historique.
Elle nous permet ainsi de découvrir la figure de cette jeune femme issue de la classe moyenne qui révéla très tôt une sensibilité aiguë aux questions sociales de son pays et dont le frère Abel, qu’elle chérissait, fut un proche de Fidel Castro.
Si ce récit est intéressant, c’est précisément parce qu’il revient sur l’archéologie d’un mouvement bien connu. On y découvre un Fidel prenant très tôt l’ascendant sur ses camarades et, cela n’étonnera sans doute pas grand monde, un homme qui en dépit de ses ambitions révolutionnaires conservait à l’égard des femmes des schémas bien traditionnels.
Ainsi, lorsqu’elle voulut participer à l’assaut, Haydée se vit-elle refoulée : les tâches qui lui incombaient, après le repassage des uniformes de tous les hommes, était d’attendre le retour de ces derniers pour soigner les blessés. Ce qu’elle refusa avec énergie et colère avant de prendre part à l’attaque, faisant montre à cette occasion d’autant de courage que d’habileté dans le maniement des armes.
On peut toutefois regretter de ne pas avoir accès à la suite de l’histoire. Si celle-ci nous est racontée depuis les derniers jours de cette femme sur le point de se suicider, en 1980, tout ce qui intervient entre 1953 et cette date nous reste inconnu. Haydée Santamaria joua pourtant tout au long de cette période un rôle non négligeable, bien que l’assaut de la Moncada fût à jamais resté pour elle un événement traumatique et douloureux, puisqu’elle y perdit son frère et son fiancé.
Creuser davantage l’aspect psychologique du personnage, ses ambivalences, confronter ses convictions révolutionnaires avec les résistances auxquelles elle s’est heurtée, mettre l'accent sur les tourments que l'auteure nous laisse deviner en mettant en perspective l'histoire de cette femme avec son suicide, tout cela aurait pu donner plus de force à ce portrait. Peut-être aurait-il fallu alors choisir une forme moins classique, moins lisse, qui l’aurait permis.
Mais Amina Damerdji aura eu le mérite de contribuer à sortir cette personnalité audacieuse de l'oubli dans lequel ses camarades l'ont laissé sombrer. On ne peut que lui en être reconnaissantes.
Je connais très mal cette histoire. Je ne suis pas surprise que la place des femmes ait été occultée, comme dans tant d'autres évènements.
RépondreSupprimerNon, c'est même hélas tout à fait classique. Mais l'on peut se réjouir de voir les choses commencer à bouger, et la voix des femmes se faire entendre.
SupprimerEt merci à toi pour ce conseil de lecture.
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