Entretiens

jeudi 23 septembre 2021

Ce qu’il nous faut de remords et d’espérance

Céline Lapertot
Viviane Hamy, 2021



Souvenez-vous, c’était il y a quarante ans. Pour ma part, j’étais encore une enfant mais je n’ai pas oublié l’émotion de Robert Badinter, cette joie et cette fierté dont une petite part rejaillissait sur chacun d’entre nous. 

Quarante ans, quarante ans seulement et déjà des voix pour réclamer le retour à l’ignominie. 


Quarante ans, et le ministre Roger Leroy frémit d’impatience et d’orgueil. Il va présenter son projet de loi de rétablissement de la peine de mort devant l’Assemblée. Il en attend la gloire et la reconnaissance, il sera celui qui incarne la force et l’intransigeance prétendument attendues par un peuple lassé de trop de laxisme. Pas de collaborateur, cette fois, pour lui prêter ses mots. Son discours, il l’écrira de sa propre plume trempée dans le fiel de la rancoeur et du ressentiment. Mais pour être certain de la victoire, il faudrait un petit coup de pouce du destin, un crime abject qui ferait définitivement basculer l’opinion et accentuerait la pression sur le législateur.

Le coup de pouce, c’est cette fillette dénudée découverte au petit matin par un promeneur esseulé, hurlant son désespoir à la vue de ce corps supplicié qui pourrait être celui de sa propre petite-fille. C’est cet appel au châtiment qui va se répandre sur les réseaux sociaux aussi sûrement que le poison dans l’organisme d’un individu.


Mais la détermination du ministre restera-t-elle pleine et entière lorsque son propre demi-frère, un célèbre rocker, se trouvera accusé du viol et du meurtre d’une jeune femme ? Le doute sera-t-il permis lorsque celui-ci clamera son innocence tandis que toutes les preuves sembleront pourtant le désigner ?


Céline Lapertot a imaginé une intrigue digne d’une tragédie, mettant les principes à l’épreuve de l’expérience intime. Bien qu’ayant choisi la forme romanesque, elle propose un texte d’une belle densité, se concentrant sur une poignée de personnages et se gardant de toute forme de considération philosophique ou sociale. Le temps même semble se contracter et s’abolir pour inscrire l’action dans une durée resserrée. Chaque protagoniste est placé face à sa seule conscience et à son histoire pour définir sa position et ses choix, comme tout lecteur est ainsi invité à le faire. Ce qui ne semble aucunement superfétatoire dans les temps que nous traversons.


8 commentaires:

  1. Il faut décidément que je découvre cette auteure !

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    1. C'est exactement ce que je me disais avant de lire ce livre ;-)

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  2. C'est très différent de ce que j'ai lu d'elle jusqu'à présent. Je le lirai parce que j'aime beaucoup sa plume.

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    1. En ce qui me concerne, c'était mon premier. Mais je la lirai à nouveau, c'est sûr.

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  3. Mes échappées livresques24 septembre 2021 à 08:35

    Une auteure que j'affectionne beaucoup, tous ses romans sont percutants et sa plume est magnifique.

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  4. Je l'ai découverte il y a peu avec un ancien roman. Tu donnes envie de découvrir celui-ci.

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