Sylvie Yvert
Héloïse d’Ormesson, 2021
Les écrivains du XIXe siècle, peut-être le savez-vous si vous passez régulièrement par ici, c’est mon péché mignon. Bien sûr, j’ai mes préférences, et certains auteurs me sont presque inconnus. Ainsi en est-il d’Alphonse de Lamartine dont je n’ai dû lire guère plus que « Le lac » et sa fameuse supplique faite au temps de suspendre son vol… Mais il reste une figure majeure de la révolution de 1848 et de la naissance de la Deuxième République, qui furent si essentielles dans la formation politique de mon cher Vallès (ce qui est certes une autre histoire !). Je n’allais donc pas passer à côté de cette nouvelle occasion de plonger dans cette époque aussi bouillonnante que passionnante…
Sylvie Yvert a imaginé une biographie du grand homme, écrite du point de vue de son épouse Marianne. Se conformant en tout point à la place que ce siècle concédait aux femmes, celle-ci ne vécut que dans l’ombre de son mari, recopiant ses manuscrits, palliant tant bien que mal sa désastreuse gestion patrimoniale et le soutenant indéfectiblement dans toutes ses actions. Or, si Lamartine connut rapidement une gloire sans faille en tant que poète, son aura politique eut quant à elle à souffrir de quelques revers. Aussi Marianne se devait-elle de prendre à son tour la plume pour réhabiliter celui qui fut acclamé autant que conspué.
Elle retrace donc tout le parcours politique de son mari qui, comme Victor Hugo, fut d’abord monarchiste avant de s’opposer au régime de Louis-Philippe et de prendre fait et cause pour la République. Figure de proue de la campagne des banquets qui déboucha sur les journées de Février, Lamartine proclama officiellement la République depuis l’Hôtel de ville de Paris et participa activement au gouvernement provisoire avant de subir une humiliante défaite aux élections qui porta le futur Napoléon III au pouvoir.
Compte tenu de son parti pris, le livre de Sylvie Yvert pourrait apparaître comme trop lisse, présentant Lamartine d’un point de vue trop partisan pour exposer les aspects plus sombres de sa personnalité. Sans doute est-ce en partie vrai. Mais c’est aussi ce qui lui permet d’insister sur ses paradoxes intimes, de révéler les sentiments qui l’animaient et qui guidaient ses choix et ses prises de position. Si Lamartine a pu être applaudi par les républicains et par le peuple, il se voulait cependant modéré, ce qui le priva finalement d’un certain nombre de soutiens. Choisissant le drapeau tricolore au détriment du drapeau rouge, il se mettait les socialistes à dos. Quant aux légitimistes, ils se sentaient trahis. Une position difficile à tenir, donc, en particulier en cette période d’extrêmes tensions sociales et politiques.
Pour la postérité, il restera un ardent défenseur du suffrage universel - même s'il n'était quand même pas encore question du vote des femmes ! -, un partisan de l'abolition de la peine de mort et un homme animé par un idéal de justice et par la volonté d'éradiquer la misère.
Au-delà du destin de Lamartine et du portrait sensible que Sylvie Yvert brosse de cet homme, ce sont tous les détails de l’histoire de cette éphémère république qu’elle nous remet en mémoire de manière extrêmement vivante. Certes, il faut sans doute éprouver un minimum d’attrait pour cette période si l’on souhaite se lancer dans cette lecture. Mais si tel est le cas, celle-ci sera sans conteste beaucoup plus plaisante et pour cela beaucoup plus instructive que bien des ouvrages à caractère purement historique !