Entretiens

mercredi 25 août 2021

Poussière dans le vent

Leonardo Padura
Métailié, 2021


Traduit de l’espagnol (Cuba) par René Solis




Pour connaître un pays, rien de tel évidemment que de s’y rendre. Encore, pour le comprendre, faudrait-il pouvoir y rester plusieurs mois, voire plusieurs années. Et même ainsi, il n’est pas certain que l’on puisse en saisir toutes les subtilités, tous les codes, ni les ressorts profonds qui en régissent la vie. Certains écrivains parviennent à restituer quelque chose de cette essence qui nous échappe, et Leonardo Padura possède incontestablement ce talent.


Poussière dans le vent nous invite à partager l’existence d’un groupe de Cubains amis depuis leur plus jeune âge et celle de leurs enfants. A partir d’une photo de groupe prise dans les années 90, l’auteur déploie une vaste toile romanesque qui va nous permettre de découvrir la destinée de chacun des protagonistes, mais surtout d’entrer dans leur psyché, de percevoir leurs espoirs, leurs doutes et leurs craintes, et parfois leur résignation - ou ce qu’il faut peut-être appeler le fatalisme qu’a ancré en eux des décennies de régime castriste.


Si certains sont restés sur l’île, nombreux sont ceux ayant saisi la moindre possibilité qui s’offrait à eux de partir. En Europe, aux Etats-Unis ou en Russie, les diasporas cubaines ne manquent pas, et si des balseros tentent encore de gagner les côtes de la Floride sur des embarcations de fortune, les stratégies de départ sont désormais multiples. 

Mais si Elisa a décidé de partir du jour au lendemain, sans prévenir quiconque, c’est sans aucun doute pour une raison bien précise, qui échappe pourtant à ses proches amis. Bien des années plus tard, le souvenir de la jeune femme et l’incompréhension relative à son geste ne cessent de les tourmenter. Faut-il chercher l'origine de ce départ précipité dans les malversations de son père, dans les relations adultères qu’elle aurait entretenues avec l’un ou l’autre des garçons du groupe, ou encore dans la peur engendrée par la surveillance qu’aurait exercée l’un d’entre eux pour le compte du régime ? Chaque personnage sera amené à délivrer des informations, les points de vue et les récits de chacun venant peu à peu compléter le puzzle qui nous permettra in fine de découvrir ce qui est arrivé.


Au passage, Leonardo Padura nous aura proposé une minutieuse étude psychologique de son peuple, l’inscrivant dans les remous de l’histoire. S’il fallait oser une comparaison pour évoquer ce roman, je dirais volontiers qu’il nous offre une vision kaléidoscopique de Cuba : chaque personnage, chaque déplacement dans les époques constitue une partie de l’image qui bouge et se réinterprète à mesure que l’on avance dans la lecture. Ce qui ne manque ni d’attrait ni d’intérêt.








La lecture de ce roman de 630 pages est aussi l'occasion de valider ma participation au challenge Pavé de l'été à retrouver chez Brize Deslandes

6 commentaires:

  1. J'avais essayé de lire Hérétique de cet auteur, mais le style ne m'avait pas plu.

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    1. Il faut certes un peu de temps pour entrer dans l'univers de Padura. Mais c'est ce luxe de réflexions, ces scènes précisément décrites et ces personnages patiemment présentés qui permettent de restituer "l'âme cubaine".

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  2. Je suis très tentée. J'ai lu un des romans de l'auteur après l'avoir écouté avec bonheur lors d'une rencontre en librairie (je pense que c'était pour son précédent roman, il était venu à Boulogne...), j'avais bien aimé l'atmosphère qui se dégageait. Celui-ci m'a l'air intéressant.

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    1. Ahhh ! Enfin tu succombes au charme latino ! Voilà qui va te changer de l'esprit british ;-)

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  3. J'ai l'intention de lire cet auteur depuis des années. Je crois que c'est le côté pavé qui me freine encore. C'est idiot parce que je pourrais en emprunter un tout simplement à la bibli. Risque zéro.

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  4. Je crois avoir déjà tenté de lire l'auteur mais je n'avais pas accroché. Je me souviendrai de ce titre en revanche (beau pavé ! bravo pour ce challenge réussi !), si je me penche à nouveau sur cet écrivain, car ta présentation donne envie de le découvrir.

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