Christos A. Chomenidis
Viviane Hamy, 2021
Traduit du grec par Marie-Cécile Fauvin
Prix du Livre européen 2021
La Grèce, pour nous Européens - et pour nous Français en particulier -, c’est une sorte d’évidence : un mélange de fondement culturel et d’images de carte postale mêlant le blanc immaculé des murs chaulés au bleu intense des coupoles cycladiques. A peine si la crise des années 2010 est venue entacher ces stéréotypes…
Mais dans le fond, que connaissons-nous vraiment de ce pays ? Que savons-nous de son histoire au-delà de l’Antiquité ? Côté culture, quels contemporains serions-nous capables de citer spontanément ? Les musiciens évoqueront peut-être la Callas et Xenakis ; en littérature, il y a fort à parier qu’on irait péniblement au-delà de Kazantzkis et de son iconique Zorba. Peut-être le cinéma nous offre-t-il deux, trois noms familiers avec Angelopoulos et Costa Gavras… Ce dernier signe justement une courte préface au roman qui nous occupe aujourd’hui. Il faut croire que la littérature grecque en France a encore besoin d’être adoubée par une célébrité pour espérer se frayer une place sur les tables de nos libraires…
Apprêtons-nous donc à ouvrir « cet ouvrage qui retrace la réalité si particulière, si unique de la vie privée, sociale et nationale des Grecs », pour reprendre les mots du fameux réalisateur. Niki est une femme née juste avant la Seconde Guerre mondiale qui prend la parole au lendemain de sa mort pour raconter sa vie et celle de sa famille. En dépit d’une narration à la première personne, Christos Chomenidis adopte ainsi une forme de point de vue omniscient lui permettant d’embrasser, au-delà de la trajectoire de cette famille, l’histoire de tout un pays. En remontant à l’enfance de son propre père, Niki couvre une période allant du début des années 20 à la fin des années 50, lorsqu’elle prend véritablement son indépendance et son envol.
Chomenidis nous offre un ample roman où, en faisant la part belle à l’expérience intime de ses personnages, il nous révèle les conditions de l’émergence du KKE, le parti communiste grec, au lendemain de l’abolition de la monarchie, parti qui joua un rôle central malgré la clandestinité dans laquelle il fut relégué, favorisée par l’instabilité politique que connaissait alors le pays.
L’auteur entre d’ailleurs dans un niveau de détail historique qu’il n’est pas toujours aisé de suivre - mais la traductrice n’a fort heureusement pas été en reste de notes de bas de page visant à éclairer la lanterne du lecteur ignorant…
S’il faut certes parfois faire un effort de concentration pour garder le fil des dates et des noms qui nous sont pour la plupart inconnus (en tout cas, ils l’étaient de moi), le caractère foisonnant du récit, les aléas de la vie des personnages, les réflexions que l’auteur met dans leur bouche, tout cela concourt à faire de ce roman une lecture plaisante et enlevée qui procure la satisfaction d’avoir découvert un pan de l’histoire d’un pays qui mérite mieux que quelques images d'Epinal…
En littérature grecque contemporaine, j'avoue que le seul auteur que je peux citer est Petros Markaris dont les polars sont clairs sur les effets dévastateurs de la crise grecque, avec des rappels à l'histoire plus anciennes. Je note celui-ci, à l'occasion.
RépondreSupprimerMarkaris, bien sûr ! J'apprécie aussi ses polars. Je crois qu'il doit être aujourd'hui l'un des auteurs grecs contemporains les plus connus en France...
SupprimerQuel dommage qu'il faille lire les notes de bas de pages. Je n'aime pas ça, en général.
RépondreSupprimerOui, c'est vrai, c'est toujours un peu gênant de sortir du fil de la lecture pour lire les notes. Mais en l'occurrence, sans elles, le récit serait vraiment difficile à suivre. Et puis, il n'y en a pas à toutes les pages non plus !
SupprimerJ'avais remarqué ce roman, j'ai dû voir passer un article de presse... J'aimerais avoir le temps de me pencher sur son cas mais rien n'est moins sûr.
RépondreSupprimerEh oui... l'éternel problème...
SupprimerJe ne sens pas un enthousiasme débordant qui me pousserait à lire ce livre... je ne rejette pas a priori, mais n'en fais pas une urgence.
RépondreSupprimerEcoute, attends peut-être de le trouver en bibli :-)
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