Thomas Flahaut
L’Olivier 2020
Thomas et Mehdi, amis d’enfance, travaillent tous deux à l’usine de leur région, dans l’est de la France, à la frontière de la Suisse, comme leur père avant eux. Sauf que ceux-ci étaient intégrés à l’entreprise. Ils étaient titulaires d’un CDI qui leur conférait un statut d’ouvrier, leur apportant par la même occasion la culture et le sentiment d’appartenance qui vont avec.
Thomas et Mehdi, eux, sont intérimaires, et donc plus prolétarisés encore que ne l’étaient leurs aînés. Un jour ici, un autre là. Contraints de travailler de nuit. D’accepter des missions à des kilomètres lorsque le travail, nomade, exige de la main-d’oeuvre ailleurs… Une trajectoire bien différente de celle que leurs parents avaient imaginée pour eux, croyant que les études et l’ascenseur social leur garantiraient une meilleure situation.
La couleur du roman de Thomas Flahaut est résolument sociale. A travers l’histoire de ses deux personnages principaux, il peint parfaitement le déclassement, la dissolution de la classe ouvrière, le recours à la novlangue censée faire écran à la violence de ce qui est imposé et, plus que le désenchantement, le désarroi d’une jeune génération privée de la moindre perspective d’avenir. Il pose un regard très pertinent sur la transformation du monde du travail, en particulier du travail ouvrier, et la manière dont les individus intègrent ces dérèglements jusqu'à adopter parfois des postures pernicieuses qui accentuent encore la précarité de leur situation et peuvent conduire aussi à l’implosion de la cellule familiale.
Mais j’ai regretté pour ma part l’atmosphère très froide qui règne dans ce roman. Certes, elle convient peut-être au sujet, pour traduire l’errance psychique des différents personnages, y compris celle de Louise, la soeur de Thomas, qui semble pourtant sur le point d’accomplir cette fameuse ascension sociale. Etudiante en sociologie, elle prépare en effet une thèse sur les mutations du travail en zone frontalière. D’une certaine manière, la fiction prend donc en charge l'axe d’analyse de ce qui nous est raconté. Pourquoi pas ? Pourtant cette double focale m’a laissé un sentiment étrange. Comme si, en choisissant le roman, l’auteur s’était écarté de son projet initial pour s’engager sur une voie secondaire. Pour ma part, ce sont les réflexions de la jeune femme qui m’ont le plus intéressée. Et c’est cette voix-là que j’aurais aimé entendre davantage. Car de toute évidence, l’auteur sait parfaitement de quoi il parle, et je suis certaine qu’il aurait encore long à dire sur le sujet.
Nicole est plus enthousiaste
Le sujet m'intéresse, je note malgré ton bémol.
RépondreSupprimerMais il est intéressant. Le regard est très pertinent. C'est juste que je suis restée très à distance des personnages.
SupprimerEncore un qui ne me tente pas plus que ça... Je n'avais déjà pas été hyper emballée par Leurs enfants après eux, qui traitent de la même question.
RépondreSupprimerMoi non plus, je n'avais pas été plus emballée que ça par Leurs enfants après eux. Mais là, il y a quand même quelque chose d'intéressant dans ce qui est dit de cette disparition de la classe ouvrière. Bon, mais c'est sûr que je suis mal placée pour t'encourager à le lire s'il ne te tente guère !
SupprimerLe sujet est intéressant, mais le côté froideur me refroidit c'est le cas de le dire ; j'ai besoin d'empathie avec les personnages, ou de détestation, mais pas de froideur.
RépondreSupprimerEh bien ce doit être moi qui ai un coeur de pierre : Nicole a été très émue :-)) Peut-être le serais-tu également ?
Supprimerpas trop tentée du moins pour le moment... pour la même raison que "Leurs enfants après eux"
RépondreSupprimercontexte dépressiogène :-)
C'est sûr que ce livre ne donne pas envie de se lever le matin en sifflotant...
SupprimerJe n'étais pas inquiète sur le fond, je pensais bien que le sujet allait t'intéresser et il est effectivement bien abordé. Dommage pour cette sensation de froideur que je n'ai pas eue de mon côté, au contraire, très émue à la fin.
RépondreSupprimerComme je te le disais ailleurs, je dois avoir un coeur de pierre :-D
SupprimerBlague à part, c'est drôle comme d'un individu à l'autre un même texte peut résonner différemment et, surtout, produire des sentiments et des émotions contraires !
Encore ce thème, après Leurs enfants après eux, et Ce qu'il faut de nuit (et j'en passe sans doute). Cela ne manque pas d'intérêt, mais j'avoue que je ne saisis pas bien comment c'est traité ici... Tu aurais préféré un essai, donc ?
RépondreSupprimerEn fait, c'est très rare en ce qui me concerne de préférer l'essai, mais oui ! Il me semble que l'auteur aurait pu peut-être développer le sujet avec plus encore de pertinence. Ce n'est que mon impression. En même temps, connaissant mon inclination pour la fiction et la littérature au détriment aujourd'hui presque complet d'autres formes d'écriture, peut-être que je ne m'y serais pas intéressée. Alors, tout compte fait, il a peut-être fait fait le bon choix ;-)
SupprimerJ'avais beaucoup aimé son roman précédent, celui-ci fera sans doute partie de mes incontournables d'ici la fin de l'année.
RépondreSupprimerJ'en avais entendu parler, mais ne l'avais pas lu... Bon, c'est assurément un auteur intéressant, en dépit de mes quelques réserves...
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