Entretiens

mercredi 26 août 2020

La discrétion

Faïza Guène
Plon, 2020



Yamina est algérienne. Yamina vit en France où elle a suivi son mari dans les années 60. C’est là que sont nés leurs quatre enfants, trois filles et un fils. Après avoir vécu dans un appartement insalubre, ils ont obtenu un F4 à Aubervilliers. Le luxe ! Des murs propres, trois chambres, une salle de bains ! Yamina peut s’estimer heureuse : un mari aimant et attentionné, bien qu’elle ne l’ait pas choisi, des enfants qu’elle adore et qui le lui rendent bien, un confort qui tranche avec les conditions de vie plus que rudimentaires de son enfance dans une ferme du pays...


Yamina ne souhaite rien tant que pouvoir vivre paisiblement, dans une cohabitation fraternelle et dans la tolérance mutuelle. Elle est heureuse d’offrir les crêpes qu’elle a confectionnées à ses voisins, même si ceux-ci ne lui proposent jamais rien en retour et ne prennent même pas la peine de lui rendre ses assiettes. Et si elle ne comprend pas toujours leur manière de voir, elle conserve à leur égard une constante bienveillance. Quoi qu’il arrive, Yamina ne se départit jamais de la discrétion sur laquelle elle a fondé son existence. Une discrétion qu’elle voudrait voir ses enfants adopter. Mais eux, qui sont nés en France, ne se sentent pas des «invités» tenus de tout accepter. Ils ne s’interdisent pas de poser sur le monde qu’ils habitent un regard critique. Un regard tributaire aussi de l’évolution de la société et de la place assignée aux musulmans.


C’est une vie entière que retrace Faïza Guène, avec sobriété et humanité, alternant les épisodes de l’enfance en Algérie, alors que ce pays se libérait du joug colonial, et de la vie en France. Pas de hauts faits, pas de drame, rien que de très ordinaire, l’existence que mènent des centaines de milliers d’individus : une vie de famille, des congés annuels, des démarches administratives, des mariages, des séparations... Mais à travers ce portrait sensible, elle révèle tout ce que signifie d’être en même temps d’ici et d’ailleurs, toutes les petites humiliations, dont ceux qui les infligent n’ont même pas toujours conscience, ce mélange de douleur, de nostalgie, de joies et de satisfactions. Elle dit aussi les difficultés d’une «deuxième génération», perçue comme n’étant ni d’ici ni de là-bas, mais riche de deux cultures dont elle peut prendre le meilleur de chacune.


A travers l’histoire de cette femme et de sa famille, Faïza Guène nous offre un récit nuancé qui est également un portrait de notre pays. L’auteure ne joue pas sur les effets, elle a fait le choix de situations et de mots simples pour créer un roman d’une belle profondeur.

6 commentaires:

  1. Je ne l'ai encore jamais lue, il y a de jolis avis sur ce roman... Pourquoi pas ?

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  2. Je n'avais pas été emballée par le seul roman d'elle que j'ai lu (il y a déjà un moment, cela dit). Le thème me fait penser au roman d'Alice Zeniter, L'art de perdre, qui était tellement bien que la comparaison risque d'être désavantageuse....

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    1. N'ayant pas lu le Zeniter, je ne peux rien te dire sur ce point...

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